Dieu et Donald en mission à Jérusalem

© Keystone / TASS Sergey Orlov
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© Keystone / TASS Sergey Orlov

Dieu et Donald en mission à Jérusalem

C’est à eux que le gouvernement israélien doit la reconnaissance de Jérusalem capitale d’Israël: les évangéliques sionistes américains représentent une force puissante de l’électorat de Donald Trump. Rencontres à Jérusalem avec ces chrétiens convaincus d’œuvrer directement pour la rédemption.

Dimanche matin, l’heure était à la communion interreligieuse à la Knesset, le Parlement israélien. Invités par le gouvernement américain à venir assister à l’inauguration de l’ambassade US à Jérusalem, une délégation d’évangéliques proches de Donald Trump a profité de l’occasion pour venir délivrer un message aux juifs israéliens. «Nous sommes vos amis et nous reconnaissons que vous êtes l’incarnation vivante de la parole de Dieu. C’est vous qu’Il a désigné comme son peuple: sans vous, nous n’existerions pas», a déclaré le très influent pasteur évangélique californien Jim Garlow, applaudi par les quelque 200 personnes des deux confessions venues l’écouter.

Mea culpa public

C’est qu’à la veille d’un événement de taille pour les deux pays, il s’agissait de montrer patte blanche face aux juifs religieux qui ont toujours soupçonné les évangéliques de velléités missionnaires sous couvert d’aide à Israël. Une défiance qui s’est parfois révélée justifiée, comme lorsqu’en 2015, la républicaine ultraconservatrice Michele Bachmann, avait appelé à intensifier les efforts pour christianiser les juifs, au micro d’une radio américaine. Présente dimanche à la Knesset, cette dernière a gratifié l’assistance d’un mea culpa public. «Je vous demande pardon pour mon arrogance qui était le fruit de l’ignorance», a-t-elle argumenté, applaudie par l’assistance. Les évangéliques, connus pour leur volonté missionnaire, auraient-ils tourné leur casquette? Pas si sûr. «Je voulais simplement dire que je ne peux pas me substituer à la volonté de Dieu», affirmera plus tard en interview Michele Bachmann, candidate aux primaires de 2012, refusant de dire si elle continuait d’espérer la conversion massive des juifs.

Un plan divin pour Donald Trump

Le rabbin Naphtali «Tuly» Weisz, lui, veut y croire: les évangéliques ne veulent plus influencer les juifs dans leur foi. Lui qui dirige une organisation promouvant l’amitié avec les chrétiens le souligne: «nous avons 99% en commun. Pour le reste, quand le messie sera là, on lui demandera s’il n’est pas déjà passé par là et on verra sa réponse!», dit-il en riant. Il partage avec les évangéliques la conviction que tout ce qui se passe dans le monde doit être lu à la lumière de la prophétie biblique. Tout, et surtout… l’élection de Donald Trump. «Dieu a un plan pour ce président. On aime le comparer au roi perse Cyrus: il n’était pas parfait, mais il a fait la volonté divine en aidant les juifs», affirme le rabbin.

Une simplicité assumée

Faire la volonté de Dieu en aidant le peuple qu’Il a choisi parmi toutes les nations, voilà ce qui motive certains évangéliques à soutenir inconditionnellement Israël. Le résultat d’une lecture littérale de la Bible, considérée comme la parole même de Dieu dans laquelle il n’y a aucune interprétation humaine. «On nous dit parfois que notre lecture de la Bible est simple, et nous l’assumons. Nous sommes simples comme Dieu l’a commandé en nous disant: venez à moi avec un cœur d’enfant», soutenait dimanche matin Michele Bachmann dans un large sourire, au sortir de son intervention à la Knesset. Au-delà de la Bible, c’est toute l’actualité du monde qui est lue à la lumière d’une vision binaire de récompense et de châtiment, comme l’explique le rabbin Weisz. «L’Holocauste avait été interprété par certains comme la preuve du mépris de Dieu envers les Juifs, mais la création de l’État d’Israël a changé leur regard: Il a un plan pour ce peuple et cette terre», soutient-il.

Mais si les évangéliques soutiennent si fortement Israël, c’est aussi qu’ils sont certains de s’attirer ainsi les grâces divines sur l’Amérique. «En 1948, nous avons été les deuxièmes après les Britanniques à reconnaître Israël. Voyez comment l’Amérique est devenue prospère et forte!», affirme la républicaine Michele Bachmann, certaine de l’avenir radieux qui attend les États-Unis après les récentes décisions de Donald Trump

«Il n’y a qu’un peuple élu»

Dans cette équation, les droits des Palestiniens et plus généralement, le droit international, ne pèsent pas lourd, quand ils ne sont pas tout simplement éludés. Lorsqu’on lui demande ce qu’il fait des «autres» habitants de Jérusalem, le pasteur Jim Garlow a une réponse simple: «Tous les êtres humains ont été créés à l’image de Dieu et à ce titre, on leur doit amour et respect, mais il n’y a qu’un peuple élu et ce sont les Juifs. C’est dans le plan divin qu’ils soient chez eux dans ce pays!» Une interprétation du plan divin qui valait, en ce lundi matin, de larges panneaux «God Bless Donald Trump» dans tout le quartier d’Arnona de Jérusalem, où devait se tenir à 15h la cérémonie d’inauguration de l’ambassade américaine.