Les SDF ont perdu leur «maison»

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Les SDF ont perdu leur «maison»

En cette période de confinement, les personnes à la marge et les sans domicile fixe sont particulièrement affectés par la situation. Les pastorales de rue et les œuvres d’entraide chrétiennes se démènent pour leur venir en aide.

Si la Pasto à Lausanne, un lieu d’accueil pour «ceux que la vie a laissés sur le pavé», a fermé ses portes depuis plus d’une semaine, la pasteure de rue Roselyne Righetti ne chôme pas. «Je reçois entre cinq et dix téléphones par jour. Je passe aussi beaucoup d’appels pour prendre des nouvelles des personnes qui venaient à la Pasto et quand elles ne répondent pas, je contacte leurs copains.» Alors que le Conseil fédéral exhorte la population à sortir le moins possible, afin de contenir la pandémie de Covid-19, la situation pour ceux qui vivent dans la rue est particulièrement difficile. «Leur maison leur est niée, c’est très douloureux», explique la pasteure de l’Église évangélique réformée du canton de Vaud.

À Lausanne, la majorité des lieux d’accueil bas seuil, c’est-à-dire pour les personnes marginalisées, ont bougé ou fermé. «Tout a été bouleversé», constate Roselyne Righetti qui passe beaucoup de temps à orienter, par téléphone, les utilisateurs de ces structures. «L’autre jour, une personne m’a contactée, peut-être qu’elle sortait de prison. Elle était complètement perdue, comme si elle tombait dans un monde où tout avait changé. J’ai pu lui donner les nouvelles adresses et l’orienter vers les lieux où dormir.» Au-delà des informations pratiques, la pasteure permet de maintenir le lien et d’apporter un soutien psychologique et émotionnel. «De nombreuses personnes paniquent. Certaines qui ont un logement ne supportent pas de rester chez elles. D’autres qui avaient réussi à arrêter l’alcool se remettent à boire.»

Une situation traumatisante

À Neuchâtel, Sébastien Berney de l’aumônerie de rue La Lanterne s’inquiète déjà de l’après Covid-19. «Ce confinement est un coup de massue pour ces personnes particulièrement fragiles qui ont besoin de liens sociaux.» La Lanterne a fermé ses portes lundi 16 mars. Des numéros de téléphones ont été laissés à disposition des utilisateurs. Même scénario pour l’Espace solidaire Pâquis, à Genève, qui a aussi cessé ses activités publiques. «En fermant le lieu, nous craignions que les utilisateurs soient mis de côté, mais heureusement ce n’est pas le cas. Les services de la Ville de Genève ont pris le relais», explique le pasteur Philippe Leu, qui reste en contact par téléphone avec certains utilisateurs du lieu.

À Genève, le Collectif d’associations pour l’urgence sociale (CAUSE) dont fait partie l’Espace solidaire Pâquis ainsi que l’accueil de nuit de l’Armée du Salut, entre autres, se démène pour trouver des solutions, non seulement pour l’hébergement mais aussi pour le soutien psychologique. «La situation n’est pas évidente. Si les personnes qui n’ont pas de domicile peuvent aller dormir à l’Accueil de nuit et dans les différents Sleep-In, elles n’ont nulle part où aller la journée. Certaines ont été houspillées par les forces de l’ordre qui les sommaient de rentrer chez elles», explique Valérie Spagna, responsable de l’accueil de nuit de l’Armée du Salut. Face à cette situation, le centre a décidé d’ouvrir ses portes 24h sur 24h dès le mardi 24 mars. «Si le Conseil fédéral décrète le confinement total, on est prêt.» Or, ce n’est pas le cas pour les Sleep-In qui sont ouverts que de 21h à 7h30.

À Genève comme à Lausanne, des salles de gymnastique ont été réquisitionnées pour améliorer les règles d’hygiène et la distance entre les utilisateurs. «On aimerait pouvoir héberger des personnes dans des hôtels. Nous sommes, pour l’instant, en pourparlers avec les autorités», ajoute encore Valérie Spagna.

Quid de la suite?

Si la pandémie fait réagir les autorités qui prennent, ces jours, des mesures d’urgence, quid de la suite? «Les SDF sont toute l’année dans cette situation. La réponse qu’on met en place aujourd’hui devrait être maintenue sur le long terme», insiste la responsable de l’accueil de nuit.

Infos sur les lieux d’accueil

A Genève, le site geaide.ch donne toutes les informations sur l’aide d’urgence gratuite. Le numéro 0800 44 77 00 répond aux appels des personnes vulnérables dans ce canton.