Modern love, ou l’amour en ligne

Internet aurait-il fait de nos relations amoureuses un «marché»? Pas encore, démontrent Gina Potarca et France Ortelli dans leurs recherches. / © Tero Vesalainen/iStock
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Internet aurait-il fait de nos relations amoureuses un «marché»? Pas encore, démontrent Gina Potarca et France Ortelli dans leurs recherches.
© Tero Vesalainen/iStock

Modern love, ou l’amour en ligne

Nostalgie
Les apps et les sites de rencontre ont-ils vraiment changé nos rencontres amoureuses?

Etait-ce mieux avant? C’est avec ce soupçon tenace que France Ortelli démarre son étude sur la quête sophistiquée de l’être aimé. Pour l’auteure, la rencontre amoureuse s’est aujourd’hui extrêmement complexifiée. Au point qu’il lui arrive, comme à toute une génération de jeunes célibataires vivant en ville, de se languir des bals et du temps où le choix amoureux se restreignait ou une jeune de sa région, de son village, voire de son quartier. Premiers incriminés de cet embarras vertigineux? Les apps et les sites de rencontre, évidemment, qui permettent d’avoir, explique l’auteure, «tout un bar dans sa poche»… Paradoxe du numérique: s’ils facilitent l’accès à un nombre quasi illimité de personnes, ces réseaux rendent néanmoins la rencontre réelle beaucoup plus compliquée, puisqu’il faut «trier» au préalable tous les «profils» potentiels. Sur quels critères?

Rationaliser la rencontre

En rationalisant la rencontre, ces outils l’ont en effet aussi réduite à une série de «critères» qui, de l’avis de beaucoup, n’est pas suffisante pour construire un couple. «Ce qui fait un couple, c’est la complémentarité des deux individus qui le constituent, et surtout leur capacité réciproque à comprendre et à ‹parler le langage d’amour› de l’autre au quotidien: se dire des mots doux, rendre service, prendre du temps avec l’autre, avoir pour lui des gestes tendres…», explique Nicole Rochat, pasteure à la BARC (communes de Milvignes, Rochefort et Brot-Dessous), dans le canton de Neuchâtel, et thérapeute de couple. Cette complémentarité et ce langage se construisent au fil des jours et demandent de prendre le temps – et le risque – d’une relation, ce qui semble aujourd’hui plus compliqué. «Je rencontre beaucoup de gens meurtris, qui vivent une grande solitude à la suite des blessures trop grandes, des échecs amoureux successifs», témoigne Nicole Rochat. «Les gens ont de la peine à quitter sans blesser l’autre.» Or, la particularité des outils digitaux, pointe France Ortelli, c’est justement de pouvoir se passer de ce risque, se protéger de ces blessures, stopper une relation brutalement en arrêtant subitement de répondre à quelqu’un, sans explications.

Le web permet plus de mixité sociale.

Plus d’exogamie et de spontanéité

Assisterions-nous à l’avènement d’une ère de rencontres purement sexuelles? Tinder ou Adopteunmec.com seraient-ils responsables de cette détresse amoureuse, voire de la fin du couple? À l’Université de Genève, la chercheuse Gina Potarca a voulu en avoir le coeur net. Entre 2017 et 2018 elle a collaboré avec l’Office fédéral de la statistique pour pouvoir étudier l’impact des applications et des sites de rencontres sur la formation des couples en Suisse. À l’issue de son travail, elle tire une certitude: «On n’a aucune preuve aujourd’hui pour dire que les sites et surtout les applis de rencontre détruisent l’engagement.» Les couples formés en ligne sont certes en croissance, mais leurs intentions de se marier ou de cohabiter dans le futur immédiat ne sont pas significativement différentes des autres couples en Suisse. En revanche, le web élargit les horizons. «Il permet plus de mixité sociale. On constate par exemple plus de couples en ligne associant une femme diplômée et un homme qui l’est moins.» Pour la chercheuse, ces outils permettent plus de choix, de spontanéité, mais aussi moins de contrôle social dans le choix de ses fréquentations. Pourtant, les couples qui se sont rencontrés en ligne sont toujours stigmatisés. Pour quelle raison? «En Suisse les liens familiaux et les réseaux d’amis restent assez forts, rencontrer quelqu’un hors de ces cadres est peut-être toujours perçu comme moins légitime», estime Gina Potarca.

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