Au Bénin, la lutte pour la possession des sols

Une famille de cultivateurs en pleine récolte au Bénin / © PPP
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Une famille de cultivateurs en pleine récolte au Bénin
© PPP

Au Bénin, la lutte pour la possession des sols

Incertitude
De grandes entreprises ou des caciques locaux s’approprient les terres de paysan·ne·s. Une situation qui n’est pas près de s’améliorer.

Tout juste réélu à la tête du pays, à la suite d’un scrutin contesté, le président béninois Patrice Talon a promis jusqu’à «500 000 hectares de terres» aux entreprises de monoculture investissant dans le pays. Sur place, l’annonce inquiète: quelles sont ces terres? Des propriétés étatiques, ou des terrains exploités depuis des décennies par des familles paysannes usant de droit coutumier? Une inquiétude d’autant plus grande que dans ce pays, la majorité de la population est liée à la terre pour ses revenus.

«L’accaparement des terres » par des personnes de pouvoir au détriment de familles de cultivateurs et cultivatrices est un phénomène bien ancré. «La pratique est courante en Afrique de l’Ouest: des élites locales s’approprient les terrains appartenant à des communautés qui ont des droits coutumiers. Le phénomène a pris de l’ampleur après la crise alimentaire de 2008», explique Ester Wolf, responsable du secteur «droit à l’alimentation», de l’ONG Pain pour le prochain (PPP).

Transactions arrangées

Si investir dans des terres agricoles constitue une tradition au Bénin, la nature même de ces investissements a changé selon les analyses de la Fondation pour l’agriculture et la ruralité: «Les fonctionnaires de l’administration et les hommes d’affaires ont depuis des années acheté des terres. Les superficies concernées étaient toujours limitées, de l’ordre de 20 à 50 hectares. Cependant, depuis une dizaine d’années, le phénomène a pris de l’ampleur avec l’achat de superficies plus importantes et l’entrée d’investisseurs étrangers et des multinationales dans l’acquisition de terres dans les régions considérées comme les greniers du Bénin. Les acquéreurs sont des nationaux qui semblent jouer le rôle d’intermédiaires et des investisseurs étrangers, très intéressés pour le moment par la production de biodiesel. Pratiquement toutes les transactions se font sur la base seulement de conventions de vente sans certification par les autorités locales. Très peu font l’objet d’un acte notarié ou d’un certificat foncier. Ces transactions sont souvent arrangées par des intermédiaires locaux. Ils ont plus de facilité pour négocier avec les paysans, car natifs de la communauté.» Parfois, les ventes ont même lieu à la suite de menaces.

Souveraineté alimentaire

Si le Bénin ne connaît actuellement pas de crise alimentaire aiguë, la pandémie, «qui montre l’importance de la souveraineté alimentaire et de ceux et celles qui produisent», y a rendu l’accès aux sols encore plus essentiel, explique Ester Wolf.

Evidemment, les paysan·ne·s n’ont pas les moyens de mener des procès pour faire valoir leur accès à la terre. Le syndicat Synergie Paysanne, soutenu par PPP, les accompagne et mène un important travail de sensibilisation sur le terrain: enseignement du droit, formation dans les villages, documentation de cas exemplaires, plaidoyer politique…

Certains combats juridiques ont été gagnés, donnant de l’espoir aux personnes lésées. En 2013, un nouveau code foncier a été adopté, qui permet de faire valoir le droit coutumier et donc les droits des communautés. «Le texte permet de limiter certaines pratiques: il indique la taille maximale des terrains autorisés à la vente, par exemple. Sa mise en œuvre reste cependant un grand défi», commente Ester Wolf. «D’autant plus que le président récemment réélu a d’ores et déjà annoncé une nouvelle réforme du code foncier.»

Informations et dons

L’offrande du Jeûne fédéral, le 19 septembre prochain, est destinée cette année au programme de lutte contre l’accaparement des terres au Bénin.

Infos et dons: Pain pour le prochain