Musée de l'art brut à Lausanne. Un art hors des sentiers battus
28 mai 2009
Dans le musée qu’elle dirige, Lucienne Peiry nous fait visiter la caverne d’Ali baba des créateurs d’art brut fribourgeois
L'art brut est un art du secret, du silence et de la solitude», explique Lucienne Peiry, la directrice de la Collection de l'art brut, à Lausanne
L'art brut est un art du secret, du silence et de la solitude», explique Lucienne Peiry, la directrice de la Collection de l'art brut, à Lausanne
«Ces créateurs travaillent dans des conditions de confidentialité et de clandestinité, sans aucun besoin de reconnaissance. Ce sont des personnes autodidactes, qui travaillent pour elles-mêmes et par elles-mêmes. Mues par un besoin impérieux de s'exprimer, elles produisent des œuvres de la survie.» Les auteurs d'art brut comptent ainsi des détenus, des pensionnaires d'hôpitaux psychiatriques, des excentriques.
L'exposition «Art brut fribourgeois» présente les travaux de vingt artistes. Elle met à l'épreuve une affirmation du peintre français Jean Dubuffet, découvreur de l'art brut, à la base de la collection de Lausanne, et qui considérait cet art comme indemne de toute influence. Or Fribourg, canton resté longtemps attaché à sa tradition agraire, avec son patois et ses alpages, demeuré profondément catholique à la Réforme, riche en processions et en signes du sacré, dans les maisons comme dans les villages, montre le contraire. Les créateurs d'art brut y apparaissent comme imprégnés de toute une tradition religieuse. Saint Nicolas et l'au-delà Des artistes font apparaître la figure du Christ; d'autres, tels des médiums, tentent d'établir, dans leurs œuvres, des relations avec l'au-delà ou un parent défunt; tous semblent en relation, si ce n'est pas sous l'emprise d'entités spirituelles. Ces œuvres fortes et inquiétantes nous font découvrir un univers extraordinaire, riche d'émotions et de réflexions.
Que ce soit par la répétition obsessionnelle de formes, l'empressement et la densité de textes qui prennent une valeur esthétique, le retour récurrent de figures de l'enfance comme saint Nicolas, les auteurs fribourgeois de l'art brut nous entraînent avec détermination dans leur sarabande: Marc Moret, dans sa ferme isolée, bricole des sculptures réalisées à base d'ossements, de cheveux, ainsi que d'objets ayant appartenu à sa mère ou à son grand-père disparus; Lydie Thorimbert passe avec application au stylo feutre les couleurs vives de ses dessins où le Père fouettard et saint Nicolas sont omniprésents;
Gaston Savoy dessine des poyas sans fin, avec leurs litanies de vaches, de drapeaux, de chevaux, de dromadaires; Gaspar Melchior Baltasar Corpataux rédige avec application des calligraphies qui demandent en vain sa sortie de l'hôpital psychiatrique, dans lequel il mourra en 1916; le centenaire Maurice Dumoulin, lui, a commencé à 67 ans de creuser dans la molasse un tunnel de 14 mètres, qu'il a ensuite empli d'objets hétéroclites, durant vingt ans...
Pour mettre en valeur ces œuvres vraiment surprenantes, et manifester l'omniprésence du sacré dans cet art, le musée présente en contrepoint des objets de l'art populaire et d'art religieux fribourgeois qui constituent un impressionnant bric-à-brac spirituel: reliquaires anciens, gisant richement orné, foisonnement autour du corps, et de ses restes
L'exposition «Art brut fribourgeois» présente les travaux de vingt artistes. Elle met à l'épreuve une affirmation du peintre français Jean Dubuffet, découvreur de l'art brut, à la base de la collection de Lausanne, et qui considérait cet art comme indemne de toute influence. Or Fribourg, canton resté longtemps attaché à sa tradition agraire, avec son patois et ses alpages, demeuré profondément catholique à la Réforme, riche en processions et en signes du sacré, dans les maisons comme dans les villages, montre le contraire. Les créateurs d'art brut y apparaissent comme imprégnés de toute une tradition religieuse. Saint Nicolas et l'au-delà Des artistes font apparaître la figure du Christ; d'autres, tels des médiums, tentent d'établir, dans leurs œuvres, des relations avec l'au-delà ou un parent défunt; tous semblent en relation, si ce n'est pas sous l'emprise d'entités spirituelles. Ces œuvres fortes et inquiétantes nous font découvrir un univers extraordinaire, riche d'émotions et de réflexions.
Que ce soit par la répétition obsessionnelle de formes, l'empressement et la densité de textes qui prennent une valeur esthétique, le retour récurrent de figures de l'enfance comme saint Nicolas, les auteurs fribourgeois de l'art brut nous entraînent avec détermination dans leur sarabande: Marc Moret, dans sa ferme isolée, bricole des sculptures réalisées à base d'ossements, de cheveux, ainsi que d'objets ayant appartenu à sa mère ou à son grand-père disparus; Lydie Thorimbert passe avec application au stylo feutre les couleurs vives de ses dessins où le Père fouettard et saint Nicolas sont omniprésents;
Gaston Savoy dessine des poyas sans fin, avec leurs litanies de vaches, de drapeaux, de chevaux, de dromadaires; Gaspar Melchior Baltasar Corpataux rédige avec application des calligraphies qui demandent en vain sa sortie de l'hôpital psychiatrique, dans lequel il mourra en 1916; le centenaire Maurice Dumoulin, lui, a commencé à 67 ans de creuser dans la molasse un tunnel de 14 mètres, qu'il a ensuite empli d'objets hétéroclites, durant vingt ans...
Pour mettre en valeur ces œuvres vraiment surprenantes, et manifester l'omniprésence du sacré dans cet art, le musée présente en contrepoint des objets de l'art populaire et d'art religieux fribourgeois qui constituent un impressionnant bric-à-brac spirituel: reliquaires anciens, gisant richement orné, foisonnement autour du corps, et de ses restes