Les anglicans d'Amérique du nord ont divorcé

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Les anglicans d'Amérique du nord ont divorcé

28 juillet 2009
Logo de la nouvelle Eglise anglicane d'Amérique du Nord

Menacée de rupture depuis plusieurs années, la communion anglicane mondiale assiste à un schisme outre atlantique. Les épiscopaliens conservateurs d'Amérique du Nord se sont constitués en nouvelle Église, et leurs contradicteurs multiplient les actes libéraux. Un divorce qui se joue sur fond d'homosexualité et qui partage les quelques deux millions de fidèles épiscopaliens.

Les anglicans conservateurs d'Amérique du nord ont désormais leur nouvelle Église depuis un mois. Décidés à ne pas se laisser déborder par la frange libérale de l'Église épiscopalienne (les anglicans des États-Unis), ils ont créé l'Église anglicane d'Amérique du nord (Anglican Church of North America, ACNA) lors de l'assemblée de fondation tenue du 22 au 29 juin 2009 au Texas.

Constituée de groupes dissidents de l'Église épiscopalienne, l'ACNA s'est mise sur pied pour offrir une alternative aux anglicans qui sont en désaccord avec la théologie de l'Église épiscopalienne et l'Église anglicane du Canada. L'un des grands points de friction concerne la reconnaissance de l'homosexualité et l'autorité de la Bible en la matière.

Homosexualité au coeur de la crise

Le débat s'est stigmatisé autour de la personne de Gene Robinson. Sa nomination comme évêque du diocèse du New Hamsphire en 2003 avait fait scandale, du fait de son homosexualité notoire et revendiquée. Père de deux enfants et divorcé, il s'était uni civilement à son compagnon en juin 2008, ce qui avait amplifié la crise au sein des épiscopaliens.

Particulièrement fort aux États-Unis, le débat autour de l'accès à la prêtrise et l'épiscopat des personnes homosexuelles agite la communion anglicane mondiale. Fortes de leur poids, les Églises du sud ne manquent plus de manifester leur mécontentement envers leurs soeurs du nord.

La résistance des anglicans du sud

Plusieurs membres fondateurs de l'ACNA, diocèses ou missions, sont d'ailleurs sous juridiction directe de provinces anglicanes du sud : Nigeria, Rwanda, Kenya et Ouganda. Le poids de l'Église anglicane du Nigeria, deuxième plus grande province du monde, joue un rôle particulièrement fort dans le conflit entre libéraux et conservateurs.

Son archevêque Peter Akinola est devenu le fer de lance de cette opposition, menaçant régulièrement de quitter la communion anglicane. Il fut l'une des clefs de voûte du sommet, en juin 2008 à Jérusalem, entre quelques 300 évêques et archevêques conservateurs. Ceux-ci avaient alors dénoncé le « faux évangile » et la déviance des moeurs des anglicans du nord et particulièrement d'Amérique du nord.

Un mois plus tard, à la dernière conférence de Lambeth en juillet 2008, environ un quart des évêques présents venaient du Nigeria, d'Ouganda, du Rwanda et du Kenya – de nombreux évêques libéraux ayant fait le choix de ne pas se présenter. Ils avaient particulièrement protesté à la fois contre la décision de l'Église anglicane d'Angleterre d'ordonner des femmes évêques et contre l'ordination de personnes homosexuelles.

Aux Etats-Unis, la création de l'ACNA interroge désormais à la fois la légitimité de l'Église épiscopalienne, dont elle est issue, et laisse aussi les coudées franches au mouvement libéral en son sein. Et ce dernier n'a pas tardé à marquer son influence.

Un vent libéral chez les épiscopaliens

La convention générale de l'Église épiscopalienne a en effet décidé le 14 juillet dernier de réhabiliter l'évêque Gene Robinson, mis à l'écart pour calmer les tensions au sein de la Communion. Il se voit désormais pleinement réintégré au sein de son Église.

Mais la convention de l'Église épiscopalienne ne s'en est pas tenue là. Elle a également décidé d'ouvrir l'épiscopat plus largement aux homosexuels.

Enfin, les évêques épiscopaliens ont largement voté en faveur d'un projet de liturgie pour bénédiction de couples homosexuels. Si les débats ont été fournis et que le résultat n'était pas gagné d'avance, ce choix a été confortablement entériné par la chambre des députés lors de la clôture de la convention.

Il n'en reste pas moins que le sujet divise encore les fidèles des bancs épiscopaliens. L'ACNA revendique déjà environ 100 000 anglicans de 700 paroisses et 28 diocèses. Il est probable que d'autres quittent officiellement les rangs de l'Église épiscopalienne.

Le débat sur l'homosexualité continue aux États-Unis

La question des ordinations de prêtres ou d'évêques homosexuels s'accompagne aux Etats-Unis du débat sur le mariage homosexuel, très vif actuellement. Si seulement six États le reconnaissent, alors que 29 autres l'interdisent clairement, sa reconnaissance gagne gentiment toujours plus de terrain.

Selon l'institut Pew Forum on Religious Life, les opposants parmi la population américaine seraient actuellement environ 55 %. Ils sont manifestement plus nombreux chez les personnes fréquentant régulièrement les milieux religieux, selon ce même institut.

Toujours selon les données du Pew Forum, les chrétiens des différentes traditions protestantes s'opposent majoritairement au mariage homosexuel, alors que les catholiques sont plus divisés sur le sujet. Enfin, le plus faible taux d'opposition se mesure parmi la population sans affiliation religieuse.Le débat n'est en tout cas pas prêt de se calmer dans les milieux chrétiens américains. En août 2009, l'Église luthérienne évangélique des Etats-Unis (la plus grande des Églises luthériennes du pays, avec près de 5 millions de membres) votera en effet sur une proposition visant à autoriser les paroisses qui le souhaitent de reconnaître le mariage entre personnes du même sexe.

L'anglicanisme, souple et fragile
L'anglicanisme est né au XVIe siècle du refus du roi anglais Henri VIII de la tutelle romaine sur ses terres. Le courant fut amené à la Réforme lors du règne d'Édouard VI, successeur d'Henri VIII, mais c'est sous le règne d'Elisabeth Ier (1558-1603) qu'il s'établit véritablement, constituant une voie médiane entre catholicisme et protestantisme. Son rayonnement dans le monde est particulièrement visible dans les pays du Commonwealth et les anciennes colonies britanniques. Les Églises qui se reconnaissent de cette confession sont rassemblées dans la Communion anglicane, créée en 1867 lors de la première assemblée de Lambeth. Celle-ci siège tous les dix ans et rassemble tous les évêques du monde. Si l'archevêque de Canterbury, primat à la tête de la communion, est considéré comme figure d'unité, chaque Église est indépendante au sein de cet ensemble hétérogène. A la fois souple et fragile, la communion anglicane a vécu de nombreuses secousses dont certaines ont débouché sur des ruptures. La création de l'Église épiscopalienne des Etats-Unis est d'ailleurs la conséquence d'un besoin de marquer son autonomie devant l'Angleterre en 1783 à l'issue de la guerre d'indépendance. Le terme épiscopalien souligne l'importance accordée à l'épiscopat et à la succession apostolique. Outre les questions autour de l'homosexualité, l'ordination de femmes prêtres et de femmes évêques divise les membres de la communion depuis de nombreuses années.