Ivresse au volant: La cheffe de l'Eglise allemande devait-elle démissionner?

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Ivresse au volant: La cheffe de l'Eglise allemande devait-elle démissionner?

11 mars 2010
Hanovre - La cheffe de l'Eglise protestante allemande, Margot Kässman, a été arrêtée pour ivresse au volant. Tirant les conséquences de ses actes, elle a démissionné. Mais était-il nécessaire qu'elle quitte son poste? N'est-on pas plus dur avec une femme à ce niveau de responsabilité? Le chic du christianisme n'est-il pas le pardon? Ou cette option n'est-elle réservée qu'aux catholiques? Denis Müller, éthicien et théologien, et Pierre-Luigi Dubied, doyen et professeur de théologie pratique à Neuchâtel lancent quelques pistes.

Par Tania Buri

Tandis que les affaires de pédophilie défraient à nouveau la chronique du côté catholique, l'Eglise luthérienne allemande perd sa cheffe pour ivresse au volant. Si les démissions, les dénonciations à la justice et les condamnations sont peu nombreuses pour les premier cas, Margot Kässman a démissionné avec effet immédiat. Deux poids, deux mesures?


« Il me semble que Margot Kässmann a tiré très vite – peut-être trop – les conséquences de son erreur », a expliqué Denis Müller à ProtestInfo. « La question est rendue plus difficile quand la personne est très médiatisée ». M. Dubied abonde dans son sens: « Sans la médiatisation préalable de la cheffe de l'Eglise protestante allemande, elle n'aurait peut-être pas été sanctionnée de cette façon. Et sans la médiatisation de l'incident de l'ivresse au volant, elle n'aurait certainement pas dû quitter son poste ».

Le fait qu'elle soit une femme a certainement joué un rôle. « Il est clair que les femmes sont plus exposées à ce niveau de responsabilité. On attend d'elles plus de perfection et de professionnalisme », a évalué M. Müller. Mais la question est finalement trop individualisée, estime-t-il. « Il s'agirait plutôt de se demander comment une institution (Eglise, parti, etc...) ou une entreprise gère la faillibilité et la réinsertion de ses cadres et de ses membres. »

« L'éthique protestante ne dit pas qu'elle ne sera pas pardonnée.

« L'éthique protestante ne dit pas qu'elle ne sera pas pardonnée, dit M. Müller, mais que sa faute doit être restituée dans son contexte; en faire un pêché et parler du pardon, c'est passer trop vite de la faute professionnelle – punissable et moralement répréhensible – à une offense envers autrui ou à un pêché. »

« Il ne s'agit pas d'une affaire de pardon. J'y vois plutôt une question de proportion, a nuancé M. Dubied. L'infraction punie par la loi touche aussi bien une personne en vue qu'un anonyme. Un anonyme s'en serait tiré avec une peine légale. Une personne médiatisée subit un préjudice disproportionné. »

Les deux confessions n'ont pas le même rapport avec leurs ministres. « Le catholicisme place le dignitaire religieux dans un ordre sacré qui est censé dépasser les fragilités de la personne humaine, a relevé le doyen. Le protestantisme fait de ses pasteurs des laïcs spécialisés. »

« Les responsables religieux doivent évidemment donner l'exemple, mais ni plus, ni moins que les politiciens ou les chefs d'entreprise. Mais que veut dire donner l'exemple? Reconnaître une faute et en payer le prix est possible, sans nécessairement démissionner. Chaque cas doit être traité pour lui-même », a poursuivi l'éthicien.

« Que l'exemplarité soit requise d'un représentant de communautés religieuses est une exigence populaire qui ne veut pas tenir compte de la réalité humaine de ce représentant. Mais bien des dignitaires religieux jouent avec cette exigence populaire afin d'en attirer les faveurs », estime le professeur neuchâtelois.

BIO

Margot Kässman a annoncé sa démission dans une conférence de presse télévisée il y a quelques jours. L'évêque luthérienne de Hanovre, âgée de 51 ans, avait été élue à la tête de l'Eglise évangélique luthérienne en octobre 2009, pour six ans. Elle a été arrêtée samedi 20 mars à Hanovre après avoir brûlé un feu rouge: elle avait un taux d'alcool dans le sang de 1,54 g/L.

En 2006, atteinte d'un cancer du sein, elle avait témoigné ouvertement de son combat contre la maladie. La même année, elle avait été élue « femme de l'année » par les lecteurs d'un magazine télé allemand à grand tirage.

Elle a été la plus jeune évêque d'Allemagne au moment de sa nomination en 1999, mais aussi la première à divorcer.

La presse allemande l'a décrite comme « un mélange de Mère Teresa et de Demi Moore », jouissant d'une aura particulière auprès de ses fidèles, ou encore comme « la conscience de la nation », en référence à ses fréquentes interventions dans le débat public. 

Fin janvier, elle a critiqué l'intervention allemande en Afghanistan, ce qui lui avait valu une avalanche de critiques en provenance des sphères politiques. Docteur en théologie, elle est l'auteure d'une trentaine de livres.

  • Eléments tirés d'articles parus dans la presse