Les Eglises du Soudan unies malgré la division du pays
Le 28 octobre, les évêques de l'Eglise catholique romaine ont approuvé le maintien d'une seule conférence épiscopale couvrant les deux Etats, invoquant une histoire commune et les « liens humains très concrets » déjà existants. En juillet, l'Eglise épiscopale (anglicane) avait décidé de rester un seul et même corps au cours des deux années à venir et le Conseil des Eglises du Soudan a également fait savoir qu'il ne se scinderait pas.
« C'est avant tout une question de solidarité », a fait observer le 3 novembre John Ashworth, conseiller auprès du Forum œcuménique du Soudan, qui met en valeur le travail des Eglises en faveur de la paix au Soudan. « Elles ont le sentiment de rester unies en dépit des frontières politiques », a-t-il indiqué dans un courriel adressé au correspondant d'ENInews. Soulignant que le christianisme est davantage présent au Sud-Soudan, il a ajouté que « l'Eglise sera plus forte au Sud-Soudan et donc, dans les faits, l'Eglise au Soudan sera soutenue par le Sud. »
La majeure partie des chrétiens du Nord sont originaires du Sud, tout comme la plupart des prêtres et la moitié des évêques, selon des responsables d'Eglise. Les deux diocèses catholiques romains du Nord sont desservis par un cardinal et trois évêques. « L'Eglise du nord est une "Eglise minoritaire" qui a grandement besoin que le Sud reste intact », a expliqué le père Don Bosco Ochieng, prêtre du diocèse de Rumbek, au Sud-Soudan.
« L'avenir incertain de l'Eglise du Nord est source de préoccupation, car le Nord s'est proclamé Etat islamique », a-t-il affirmé, faisant allusion à une déclaration faite par le président soudanais Omar el-Béchir le 13 octobre.
Les frontières diocésaines des Eglises soudanaises ne correspondent pas à celles des divisions administratives, comme c'est souvent le cas dans de nombreux autres pays africains. Les diocèses situés à la frontière des deux pays comprennent encore de grandes zones appartenant au pays voisin, c'est pourquoi les Eglises jugent essentiel de maintenir l'unité, selon les autorités ecclésiastiques.
En octobre, l'évêque épiscopal de Khartoum, Ezekiel Kondo, s'est rendu aux Etats-Unis, signalant à cette occasion que la situation est actuellement tendue pour les chrétiens du Soudan. Lors de ce voyage, l'évêque Kondo a rencontré des représentants du Département d'Etat et d'importantes organisations non gouvernementales. Il a également été invité à intervenir en tant que spécialiste à une conférence contre le génocide, a indiqué le service de presse Episcopal News Service.
« En ce qui concerne le Nord, l'indépendance a eu des conséquences », a-t-il déclaré. Des employés chrétiens des secteurs public et privé ont été licenciés, le gouvernement est en train de mettre en place la charia – la loi islamique – qui constitue un enjeu de taille pour l'Eglise, et les Sud-Soudanais se voient refuser la citoyenneté. Les gens partent ou sont contraints à partir et, à Khartoum, l'Eglise perd ses fidèles.
En outre, des réfugiés sont arrivés en masse du Kordofan du Sud, région productrice de pétrole contrôlée par le Nord. Dans cet Etat situé au centre du Soudan, les sympathisants du Sud sont pris pour cibles.
Bien que les Nations Unies soient installées à Khartoum, la capitale du Soudan, le gouvernement refuse d'ouvrir des camps pour accueillir ces réfugiés, donc ceux-ci logent chez des proches, a expliqué l'évêque Kondo. Cela pose un problème dans la mesure où les familles démunies ont du mal à venir en aide à leurs proches, a-t-il affirmé. Il est par ailleurs difficile d'établir des données démographiques précises, ce qui est une façon de cacher la vérité aux yeux du monde, ajoute-t-il.
« Nous avons pu accueillir quelques réfugiés, mais pas tous », a-t-il dit. « Nous avons organisé des prières spéciales pour le Kordofan du Sud et des collectes de vêtements et de nourriture, parce que ces gens sont venus comme cela, ils ont pris leurs jambes à leur cou sans rien emporter. »
Depuis la déclaration d'indépendance du Sud-Soudan, une église est menacée de démolition à Khartoum et une autre a été réduite en cendres par des incendiaires, a déclaré l'évêque Kondo. Une lettre de menace de mort a été déposée chez une famille chrétienne mais les autorités restent pour l'heure les bras croisés.
(Avec le concours d'Episcopal News Service) (760 mots-ENI-11-F-0138-JMP)