Vétérans américains traumatisés: des paroisses leur tendent la main

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Vétérans américains traumatisés: des paroisses leur tendent la main

17 novembre 2011
Newton, Massachusetts, le 17 novembre (ENInews-RNS/G
Jeffrey MacDonald) – Aux Etats-Unis, plus de 1,35 million de vétérans tentent de s’adapter à la vie civile une fois de retour de leur mission en Irak et en Afghanistan. Outre les blessures physiques, les blessures de l’âme et de l’esprit font des ravages. Un défi pour les Eglises.

On estime qu’un vétéran sur six présente des symptômes de troubles de stress post-traumatique (TSPT) et les paroisses sont directement confrontées aux ravages de la guerre, indique Religion News Service. Selon des spécialistes, les organisations religieuses ont beaucoup à offrir, même quand les blessures sont de l’ordre des TSPT et des traumatismes cérébraux.

"Know how" à acquérir

« Les Eglises sont malheureusement un peu désemparées quand il s’agit d’aider ces personnes », a expliqué Peter Bauer, pasteur ordonné et travailleur social clinique auprès de l’Administration des anciens combattants à San Antonio, au Texas. « Mais ce n’est pas irrémédiable. Les Eglises peuvent prendre des initiatives très simples pour venir en aide à cette catégorie de personnes. »

Ancien aumônier de la marine, le pasteur Bauer a récemment organisé des ateliers sur les TSPT et les traumatismes cérébraux à l’intention de pasteurs et de séminaristes de l’Ecole de théologie Andover Newton, à Newton, dans le Massachusetts. Son approche pédagogique s'inspire d'initiatives plus petites qui ont pris de l'ampleur ces dernières années.

Depuis sa création, en 2009, l'organisation à but non lucratif Care for the Troops a permis à 37 paroisses de l'Etat de Géorgie d'organiser des réunions de groupes d'entraide, d'identifier des cliniciens locaux ayant une expérience militaire et d'apporter leur soutien aux familles des soldats. Le projet inclut aujourd'hui des paroisses du Tennessee, de Californie et d'autres Etats.

Installé dans l'Illinois, Wheat Ridge Ministries fait circuler des liturgies luthériennes et d'autres ressources afin d'aider les Eglises à tisser des liens avec les familles de militaires. A New York, Point Man Ministries a établi des partenariats avec environ 250 paroisses à travers les Etats-Unis pour organiser des groupes d'entraide animés par des anciens combattants et destinés aux personnes présentant des TSPT.

L'an dernier, Jeremy Pickens, aumônier pour l'armée, a lancé le Massachusetts Military Spiritual Strength Network, un réseau permettant à des membres du clergé et des laïcs de recevoir une formation pour faire en sorte que les programmes religieux soient plus adaptés aux militaires. Le réseau compte aujourd'hui une soixantaine de paroisses.

« Parfois, nous entendons les gens dire: "Nous n'avons pas la formation pour traiter les TSPT" », a expliqué Jeremy Pickens. « Mais pour exercer mon ministère, je n'ai pas besoin de savoir ce que signifie avoir des TSPT. Tout ce que je dois savoir faire, c'est écouter. Il suffit de créer un espace ouvert où les gens peuvent parler. »

Davantage de suicides que de morts aux combats

Dans sa présentation, le pasteur Bauer a raconté des choses peu réjouissantes sur les difficultés auxquelles sont confrontés les soldats qui reviennent de la guerre. Par exemple, en 2010, il y a eu plus de suicides dans l'armée (468) que de morts au combat (462). Les causes du traumatisme remontent souvent à l'enfance, a expliqué le pasteur: 60% des vétérans ont subi des abus physiques et 40% des abus sexuels. Ce genre de blessures spirituelles peuvent se rouvrir au combat et, quand le soldat rentre chez lui, les schémas psychologiques et émotionnels peuvent revenir naturellement et être difficiles à surmonter.

Les blessures cachées peuvent être compliquées à gérer, selon le pasteur Bauer, en partie parce qu'elles ne se diagnostiquent pas aisément. La dépression est courante parmi les 3,2 millions de personnes qui, aux Etats-Unis, ont souffert de traumatismes cérébraux, a-t-il affirmé. Il a appelé les membres des communautés religieuses à repérer les personnes qui semblent oppressées par des niveaux normaux de lumière ou de bruit et à les aiguiller vers des examens médicaux.

Cependant, les paroisses peuvent faire bien plus qu'aiguiller. Le pasteur Bauer suggère d'aider les anciens combattants à trouver des cultes plus contemplatifs ou plus traditionnels que les offices modernes, où la musique bruyante et les lumières vives peuvent déclencher des réactions de panique.

Soutien aux soldats et à leurs familles

Les Eglises peuvent témoigner d’une préoccupation constante de façon simple, selon le pasteur Bauer, par exemple en organisant chaque mois un dîner de soutien pour les familles de militaires. Elles peuvent aussi désigner un parrain bénévole pour aller prendre une fois par mois des nouvelles d’un soldat en service, et un second parrain pour ses proches à la maison quand le militaire est en mission.

« Il est impardonnable que, en 2011, quand un membre de l’Eglise est envoyé en mission en Afghanistan, aucun représentant de l’Eglise ne soit prêt à se porter volontaire pour le parrainer et s’assurer qu’il va bien », a déclaré Peter Bauer. « C’est un crime. »

Les anciens combattants affirment que les Eglises commencent à savoir comment exercer leur nouveau ministère, même si le succès n’est pas toujours au rendez-vous. James Knudsen, un vétéran de la guerre du Vietnam et victime de TSPT vivant à Marion, dans l’Iowa, explique que les églises de sa région ont repoussé toutes les demandes qui leur ont été faites d’accueillir des groupes de soutien aux vétérans. « Je ne connais aucune église qui aide les vétérans autour de chez moi », a affirmé James Knudsen. « Cela ne les intéresse pas. »

Paroisses réticentes

Pourtant, dans l’ouest du Massachusetts, Robert Henry Hyde, un ancien combattant de 29 ans qui a servi de 2000 à 2004 et qui a été déployé dans l’armée de l’air en Irak, a contribué à sensibiliser les paroisses avant de quitter la région pour entrer au séminaire.

« Même s’ils n’ont pas servi dans l’armée et même s’ils ne la comprennent pas, les pasteurs ont les outils nécessaires pour aider les gens à gérer les TSPT ou les traumatismes cérébraux, du moins peuvent-ils orienter les gens vers des professionnels qui pourront les aider », estime Robert Hyde. « C’est la raison pour laquelle les Eglises doivent participer » à cet effort de guérison.

Même les Eglises qui se sont par le passé occupées d’anciens combattants voient aujourd’hui de nouvelles chances pour élargir leurs horizons. La pasteure Jeremi Colvin, rectrice adjointe pour la mission auprès des sans-abri à l’église (épiscopale) de l’Esprit-Saint, à Fall River, dans le Massachusetts, espère que son Eglise accueillera bientôt des groupes d’entraide de vétérans.

« La prise en charge pourrait être encore meilleure », a affirmé la pasteure Colvin à l’atelier de Peter Bauer. « Nous avons un ministère d’intervention auprès des vétérans et des familles de militaires, mais nous devons être plus actifs, parler aux gens, parler dans les hôpitaux et mieux faire savoir que nous sommes là. » (1149 mots-ENI-11-F-0144-JMP)