Un ancien évêque appelle à la tolérance alors que l'Ouganda réexamine sa loi anti-homosexualité
"Les craintes d'agressions ciblant des homosexuels, bisexuels et transgenres s'intensifient de jour en jour", a déclaré Christopher Ssenyonjo, ancien évêque anglican du diocèse du Buganda occidental, dans une interview accordée au correspondant d'ENInews le 18 novembre. Un grand nombre des personnes menacées sont contraintes de déménager.
« Les gens doivent être plus tolérants. Nous devons faire en sorte qu'ils comprennent que les homosexuels ne sont pas différents des autres êtres humains », a affirmé M. Ssenyonjo depuis Kampala, capitale de l'Ouganda. « Les homosexuels souffrent et, d'après nous, c'est parce que nous ne parvenons pas à les comprendre. »
Passible de la peine de mortLes débats sur la proposition de loi anti-homosexualité de 2009, qui rendrait tout acte homosexuel passible de la peine capitale ou d'une incarcération de longue durée, ont été ajournés par le Parlement en mai dernier. La loi proposée érigerait aussi en infraction divers actes connexes, prévoyant des peines de prison pour les individus qui ne remettent pas les homosexuels à la police et ceux qui « promeuvent » l'homosexualité.
Le projet, qui a été approuvé en octobre 2009, a déclenché d'innombrables condamnations de la part d'organisations religieuses et de défense des droits de la personne dans le monde entier.
« Les gens insistent pour que ce projet de loi soit débattu. Il suscite de grandes craintes parmi les homosexuels, qui ne savent pas à quoi s'attendre », a poursuivi M. Ssenyonjo, qui s'est vu retirer ses prérogatives d'ecclésiastique par l'Eglise de l'Ouganda en 2002 en raison de son soutien aux homosexuels. Il a fondé en 2006 une Eglise dénommée Eglise charismatique de l'Ouganda et il dirige la Fondation Saint-Paul, qui travaille avec les minorités sexuelles ainsi que d'autres groupes marginalisés. M. Ssenyonjo accompagne les homosexuels et milite en faveur de leurs droits depuis 1998.
En Afrique, a-t-il dit, l'homosexualité n'est pas comprise et beaucoup de gens affirment des choses sans savoir de quoi ils parlent. Même dans les pays africains où l'homosexualité est légale, les homosexuels restent des cibles, a-t-il ajouté. Beaucoup de chrétiens d'Ouganda, y compris des responsables d'Eglise, sont contre l'homosexualité; ils pensent qu'elle est un péché et qu'elle s'oppose à l'enseignement biblique.
David Kato, battu à mortEn janvier dernier, David Kato, 46 ans, éminent défenseur des droits homosexuels en Ouganda, a été battu à mort, un crime qui serait lié à ses activités militantes. Un homme a été condamné à 30 ans de prison pour meurtre par la Cour suprême de l'Ouganda.
Les menaces sur les droits des homosexuels en Ouganda serait responsable du refus du Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme d'accorder une aide d'un montant de 270 millions de dollars EU (200 millions d'euros) destinée à l'achat de médicaments contre le SIDA pour plus de 100 000 personnes. Le journal Ugandan News Vision a indiqué le 15 novembre que ce refus était à mettre au compte de la "sévérité" des politiques envers les minorités sexuelles.
Le Fonds a nié ces allégations. Dans un communiqué publié en ligne, Jon Liden, responsable de la communication du Fonds, a déclaré: « Un jury d'experts indépendants a refusé la proposition de subvention pour la lutte contre le VIH, essentiellement parce qu'une part importante de fonds plus anciens accordés pour la lutte contre le VIH n'a toujours pas été dépensée, ce qui soulève des doutes quant à la capacité de l'Ouganda à recevoir une subvention de lutte contre le VIH bien plus importante, alors que le pays n'a pas encore investi efficacement les ressources qui sont déjà à sa disposition. »
Militants engagésLe 10 novembre, Frank Mugisha, 29 ans, leader de l'organisation secrète Sexual Minorities Uganda, a reçu à Washington, aux Etats-Unis, le Prix Robert F. Kennedy pour les droits de l'homme. Le militant a affirmé que cette récompense l'encourage dans son travail. Les membres de son organisation déménagent régulièrement par crainte des agressions.
Un mois auparavant, le 13 octobre, la militante ougandaise Kasha Jacqueline Nabagesera, fondatrice et présidente de Freedom and Roam, a reçu le Prix Martin Ennals des droits humains à Genève. Il récompense un engagement sans faille pour les droits des lesbiennes, bi, gays et transgenres (LGBT). Son frère de lutte a été assassiné, son visage a été brocardé dans les médias avec celui d’autres homosexuels sous le titre « Pendez-les », et chaque semaine elle change de domicile par crainte pour sa vie. (698 mots-ENI-11-F-0147-JMP)