Les Eglises réformées en crise ? Le débat lancé par les pasteurs Glardon et Fuchs rebondit

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Les Eglises réformées en crise ? Le débat lancé par les pasteurs Glardon et Fuchs rebondit

Samuel Ramuz
3 février 2012
Se redéfinir ou disparaître. Voilà comment

Pierre Glardon et Eric Fuchs esquissent le virage que doivent négocier les réformés, à qui ils laissent quinze ans pour réagir. Les deux auteurs, pasteur-formateur et éthicien retraité, le disent dans un livre sorti de presse en novembre dernier (1). Depuis, les réactions fusent. Extraits.

 

 

 

 

 

 

Les Eglises réformées « souffrent de déni, d'acédie et de deuil ». Autrement dit, elles peinent à reconnaître « la pauvreté de leurs prestations », s'adonnent à la « paresse spirituelle » et doivent se résoudre à la disparition « d'une certaine manière de vivre et de partager le témoignage évangélique ».

Ce constat, implacable, les ministres de l'Eglise évangéliques réformée vaudoise (EERV) ont pu le lire dans l'ouvrage signé Pierre Glardon et Eric Fuchs. Un cadeau de fin d'année de l'Office des ressources humaines (ORH) de l'EERV. Pour l'heure, le livre n'as pas été distribué par d'autres Eglise réformées suisses romandes.

« Pas de message subliminal »

« Nous voulons ouvrir le débat à l'interne », a expliqué le responsable de l'ORH Nicolas Besson à ProtestInfo. Il aura lieu le 23 mars en présence des auteurs, professeur genevois à la retraite pour l'un et responsable de la formation aux ministères de l'EERV pour l'autre. « Il ne faut pas voir de message subliminal des autorités de l'Eglise dans l'envoi de cet ouvrage, que nous avons d'ailleurs couplé à un livre plus statistique sur le déclin des réformés en Suisse (2). »

Sur le fond, pour les Eglises réformées, les données exposées avec vigueur et statistiques à l'appui sont connues : précarité financière, manque de vocation, bénévolat en berne. « Ce n'est pas de l'autoflagellation, mais un diagnostic lucide », explique Pierre Glardon à ProtestInfo. Pour contrer la tendance, les auteurs insistent sur la nécessité de retrouver un profil identifiable entre une aile post-libérale et une aile « évangélicale ». Sur ce point, le professeur de théologie Pierre Gisel signe. Mais il fait un pas de côté (3).

Fortement pris à partie dans l'ouvrage pour son rôle dans l'évolution de la Faculté de théologie et de sciences des religions (FTSR) de l'Université de Lausanne – plus uniquement centrée sur le christianisme –, l'actuel doyen invite à une reprise de l'approche de la théologie en tant que telle. Pour analyser, dit-il, l'ex-culturation du christianisme dans notre société. « En-dehors de cela, toute proposition risque d’en rester à « appel à sursaut moral » ».

Revitaliser la spiritualité

Glardon et Fuchs évoquent pour leur part une éthique protestante. Leurs propositions sont claires : courage à retrouver en matière de (non-)reconnaissance des ministres homosexuels au nom d'une vision de l'anthropologie biblique, mariages différenciés en fonction des convictions des époux. Et, finalement, instauration d'une nouvelle discipline ecclésiastique. Son cadre serait à préciser, mais elle viserait à prévenir « la non-écoute, l'instrumentalisation ou encore l'irrespect des personnes au sein de l'institution », explique Pierre Glardon, également thérapeute.

Ces propositions ont hérissé le poil du professeur d'éthique à Genève et Lausanne Denis Müller. Dans un mail largement diffusé courant janvier (4), le pasteur neuchâtelois estime que l'ouvrage est « une répétition néo-conservatrice de principes figés ». D'autres réagissent aux propositions des auteurs en matière d'une revitalisation d'une spiritualité réformée, thèse centrale de l'ouvrage : trop réduites, pas assez hédonistes (5), trop dans l'air du temps.

Les pasteurs et diacres vaudois jugent dans l'ensemble qu'il est sain de tenir périodiquement des débats internes à l'institution. A Neuchâtel, où l'urgence financière est autrement plus aiguë, les réformés n'excluent pas d'aborder « l'avenir de l'Eglise d'une manière ou d'une autre ». Il n'est pour l'heure pas prévu que les deux auteurs qui agitent aujourd'hui le landernau protestant romand soient invités. S. R.

 

A lire

(1) Turbulences, Les Réformés en crise, Ed. Ouverture, Le Mont-sur-Lausanne, 2011
(2) L'avenir des Réformés, Les Eglises face aux changements sociaux, Jörg Stolz, Edmée Ballif, Ed. Labor et Fides, 2011
(3) Le professeur Gisel a pris position dans une lettre écrite à Pierre Glardon le 18 décembre. Elle est devenue publique depuis sur son blog.
(4) Ce courriel est devenu public lui aussi, à lire sur le blog du professeur Müller.
(5) Lire à ce sujet la prise de position de l'aumônier Armin Kressmann, parue sur son blog.
Plusieurs personnalités réformées comme les présidents des Eglises réformées de Neuchâtel et de Genève ont pris la balle au bond sur le blog de M. Kressmann. A suivre.