L’expérience mystique: la fin des idées reçues

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L’expérience mystique: la fin des idées reçues

Emmanuelle Jacquat
23 février 2016
Ghislain Waterlot, professeur d’éthique à la faculté autonome de théologie de Genève, casse les idées reçues sur la mystique et son expérience. Les mystiques ne sont pas des personnes qui vont vers Dieu. L’extase n’est pas un état privilégié, qui intervient toujours. Et l’expérience mystique est encore moins une expérience qui concerne quelques personnes.

Photo: CC(by-nc-nd) Rita M.



«L’expérience mystique a une dimension sociale», explique Ghislain Waterlot en tordant le cou au cliché qui veut que la mystique soit une pratique totalement individuelle. Le professeur d’éthique ne s’arrête pas là. Lors de la conférence, organisée par la Société vaudoise de théologie jeudi 18 février dernier, il a mis fin à trois a priori du mysticisme: la décision individuelle d’aller vers Dieu, l’expérience exceptionnelle qui concerne quelques personnes et l’extase qui se produit à chaque fois.

On voit souvent la mystique comme une expérience spirituelle où le croyant peut entrer en contact ou communiquer directement et personnellement avec Dieu, par différentes techniques. Au contraire, Ghislain Waterlot affirme que «c’est Dieu qui vient à l’Homme et non l’inverse. C’est quelque chose qui vient le plus souvent de façon inattendue, surprenante». L’éthicien met l’accent sur l’expérience mystique comme un moment imprévu et impossible à reproduire. «Ce n’est pas comme quand on allume et on éteint la lumière. Ce n’est pas: on fait l’expérience mystique ou on ne fait pas l’expérience mystique», désacralise Ghislain Waterlot. La mystique ne concerne pas uniquement une poignée de personnes. Et elle ne s’accompagne pas toujours de l’extase, rajoute le professeur en donnant l’exemple de Mme Guyon (1648-1717), mystique française, qui n’a jamais connu cet état de joie extrême. «Il faut même se méfier de l’extase et de son attachement, disaient les mystiques du XVI XVIIe siècle», révèle Ghislain Waterlot, parce que le piège, avec cet émerveillement, est d’«aimer d’avantage ce qui m’est donné que d’aimer Dieu».

La prochaine conférence de la Société vaudoise de théologie se déroulera jeudi 10 mars de 9h à 11h30, à la salle de paroisse de l’église Saint-Laurent, à Lausanne. La prof. de théologie pratique Elisabeth Parmentier viendra parler des «quêtes de Dieu hors les murs».

Exemples de femmes mystiques

Deux mystiques du XXe, toutes les deux d’origine juive et mortes jeunes. Chacune a un parcours de vie différent, mais marqué par l’expérience mystique.

Simone Weil (1909-1943) est une des premières femmes agrégées de Philosophie en France. Femme de gauche, elle invitera Trotski chez ses parents. Elle ne se baptisera jamais, même si elle a été très proche du christianisme. Elle travailla dans une usine, et elle s’engagea dans la guerre civile espagnole. Elle a fait sa première expérience mystique en 1938. C’est à ce moment-là qu’elle entrera en contacte avec des prêtres et des religieux. Le père Joseph-Marie Perrin l’accompagnera et aura un rôle important entre 1940 et 1942.

Etty Hillesum (1914-1943) rencontre le psychologue Julius Spier en 1941 qui lui fait découvrir la spiritualité. Elle est connue pour avoir écrit un journal intime, dans lequel elle parle de son cheminement mystique, ainsi que des lettres depuis le camp de transit de Westerbork (aux Pays-Bas). Elle meurt en 1943 à Auschwitz.