Se nourrir, un acte au cœur de la relation avec Dieu

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Se nourrir, un acte au cœur de la relation avec Dieu

Laurence Villoz
14 février 2018
Alors que les chrétiens entrent en période de carême pour quarante jours, le professeur d’Ancien Testament Thomas Römer analyse la place de la nourriture dans la Bible hébraïque
De la famine au sacrifice animal.

Photo: Thomas Römer au Cazard

«Manger semble aller de soi aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas dans l’Antiquité», lâche Thomas Römer, professeur d’Ancien Testament à l’Université de Lausanne et de «Milieux bibliques» au Collège de France, à Paris. Le spécialiste s’est penché sur l’importance de la nourriture dans la Bible hébraïque, lundi 12 février, au Cazard à Lausanne. Il était l’invité de l’Association Des calories pour la vie qui propose de renoncer à un repas par semaine et de verser la somme économisée à une œuvre qui lutte contre la faim dans le monde.

«La nourriture est un thème très important pour les personnes qui ont vécu au 1er millénaire avant notre ère». Plusieurs textes de l’Ancien Testament insistent sur le fait que Dieu nourrit les hommes et les animaux. «Mais il n’y a jamais de garantie, cela dépend de la volonté divine», souligne le professeur. Les hommes vont donc chercher à contenter Dieu et une manière de s’attirer ses bonnes grâces consiste à lui offrir une partie de leur nourriture. «Dans l’Antiquité, les hommes pensent qu’il faut nourrir YHWH (ndlr. le Dieu d’Israël). Par exemple, le sacrifice animal est une sorte de repas partagé entre Dieu et les hommes».

Les famines, une malédiction?

La crainte de ne pouvoir se sustenter découle de situations concrètes: les famines, «une réalité qui touche tout le Proche-Orient et qui apparaît dans de nombreuses malédictions», par exemple lorsque les récoltes sont détruites par des nuées de sauterelles. Si la nourriture est essentielle dans l’existence des êtres humains, la privation prend également une place importante dans la Bible hébraïque. «Le jeûne est une pratique très répondue qui a plusieurs motivations. Il peut être lié au deuil, au danger, à la purification et à toutes sortes de rituels».

Au-delà des jeûnes ponctuels, des lois alimentaires interdisent la consommation de certains aliments. Mais à quoi cela sert? «Il n’y a pas vraiment de justification dans la Bible, si ce n’est qu’Israël doit se différencier. Certains spécialistes l’expliquent par des mesures de l’hygiène, d’autres par des questions morales. C’était peut-être pour essayer de retrouver le monde idéal initial où les hommes ne mangeaient pas les animaux». Dans les deux premiers récits de création, l’être humain est végétarien, les animaux sont ses compagnons et ne représentent en aucun cas une nourriture potentielle. Ce n’est qu’un moment du déluge que Dieu donne aux hommes la possibilité de les manger.

Les textes bibliques décrivent le rôle particulier que joue la nourriture dans la relation entre Dieu et les hommes. «Dans le Deutéronome (8, 3), YHWH affame puis nourrit. Une manière d’illustrer le fait que l’homme ne se nourrit pas uniquement d’aliment».

Des calories pour la vie

L’Association Des calories pour la vie a été créée en 2015 par le médecin et pasteur Marc Subilia. «La création de l’association part de la constatation que dans certaines parties du monde, notamment en Europe et en Amérique du Nord, la population croule sous les calories alors que dans d’autres parties du monde, certaines personnes n’ont pas à manger», explique Marc Subilia. Le concept: renoncer à un repas par semaine pour en offrir la contre-valeur à une œuvre qui lutte contre la faim, comme Pain pour le prochain, Caritas, Helvetas ou Medair. «C’est une incitation à partager, une démarche empathique qui permet de rééquilibrer les assiettes».