«Je n’ai jamais pensé que je faisais quelque chose d’illégal»

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«Je n’ai jamais pensé que je faisais quelque chose d’illégal»

Laurence Villoz
30 août 2018
La Vaudoise Flavie Bettex, 27 ans, se retrouve devant la justice, car elle sous-louait un appartement à un migrant débouté
Fait stupéfiant: l’Établissement vaudois d’accueil des migrants prenait en charge le paiement du loyer.

Flavie Bettex ne s’imaginait pas qu’en venant en aide à un migrant avec le soutien de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), elle se retrouverait devant les tribunaux. «C’est un ami de longue date. Il a toujours été discret par rapport à sa situation, par pudeur. Un jour, il s’est ouvert à moi. Nous avons engagé de nombreuses démarches pour stabiliser sa situation. Nous sommes allés devant le Grand Conseil pour soutenir sa cause, mais finalement il a reçu une réponse négative», raconte la Vaudoise de 27 ans. Ario* est chrétien. Il a quitté son pays, l’Iran, car il était en danger en raison de divergences d’opinions politiques. Le jeune homme est débouté depuis plus de 6 ans, «mais il ne peut pas être renvoyé par les autorités, car il risquerait sa vie s’il retournait en Iran». Malgré tout, Flavie Bettex l’a toujours soutenu.

«L’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) l’a pris en charge. Il est à l’aide d’urgence. Et comme il a des problèmes de santé prouvés par des certificats médicaux, il ne pouvait pas aller dans un foyer». Flavie Bettex lui a sous-loué un appartement qu’elle a pris à son nom et l’EVAM en payait le loyer. «C’était logique pour moi de l’aider, c’est un ami». Cette situation a duré pendant huit mois. Précédemment, Ario avait été hébergé par d’autres personnes.

Audience devant la police

Puis, en avril dernier, la jeune femme a été convoquée par la police. «Je n’ai pas eu l’impression d’être entendue. C’est comme si les agents ne comprenaient pas». Bilan: une amende de 160 francs, 525 francs de frais de dossier ainsi que 20 jours amende avec sursis, précise-t-elle. «À aucun moment, je n’ai pensé que je faisais quelque chose d’illégal», affirme Flavie Bettex qui travaille comme ergothérapeute en pédiatrie. La jeune femme porte l’affaire devant la justice. Son audience se déroulera le 18 septembre prochain au tribunal d’arrondissement de Lausanne. «J’ai dû prendre un avocat, mais je n’ai pas beaucoup d’argent. C’est un gros problème pour moi», affirme cette originaire de la Broye qui ne pouvait accepter son amende. «Cela voudrait dire que j’admets que c’est illégal. Illégal d’aider une personne en détresse, illégal d’aider une personne soutenue par des instances étatiques.»

Contacté par l’agence de presse Protestinfo, l’avocat Jean-Michel Dolivo affirme avoir ni défendu, ni eu connaissance de ce genre de situation. «Si l’EVAM paie le loyer, cette femme n’est pas punissable. Toute condamnation serait contraire au principe de bonne foi», souligne l’avocat. «Les migrants illégaux font partie des personnes que nous avons pour mission d’assister. Cette mission est basée sur un cadre légal. Habituellement, ils sont logés dans des foyers collectifs, mais il arrive également qu’ils soient en bail privé, donc dans des appartements, pour des raisons médicales par exemple», relève Evi Kassimidis, porte-parole de l’EVAM qui ajoute qu’Ario a droit à l’aide d’urgence, sur la base de ses certificats médicaux et du cadre légal. «L’EVAM a autorisé la demande de sous-location de l’appartement et en finance le loyer. Tout a également été fait dans les règles avec la régie immobilière», ajoute la porte-parole.

Chrétienne engagée, Flavie Bettex a fait part de sa situation au Réseau évangélique suisse alors que celui-ci communiquait sur le cas d'un pasteur neuchâtelois également en délicatesse avec la justice pour avoir aidé un migrant. La jeune femme garde la foi. «Je crois que Dieu est juste et qu’il voit les injustices qui se produisent sur terre. Je me remets à la justice de Dieu… peut-être que les humains me condamneront.»

*prénom d’emprunt