Quand les contes et les mythes parlent d’émancipation féminine

Illustration du flyer pour le cours "Femmes et spiritualité: entre mythes et contes de fées" / ©DR
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Illustration du flyer pour le cours "Femmes et spiritualité: entre mythes et contes de fées"
©DR

Quand les contes et les mythes parlent d’émancipation féminine

Contes
Les contes de fées et les mythes regorgent de symboles qui façonnent notre imaginaire collectif. A l’Université de Genève, un cours public examine, ce printemps, leur impact sur notre perception du féminin.

Blanche-Neige, La Belle et la Bête, Cendrillon, Eros et Psyché… «Contrairement à une idée reçue, les contes de fées ne créent pas de stéréotypes féminins. C’est notre manière de les interpréter qui aboutit à de telles constructions», explique Mariel Mazzocco, qui enseigne la spiritualité à la Faculté de théologie de l’Université de Genève. En réalité, ces récits présentent souvent une image mouvante du féminin et ne font que refléter l’évolution de la société, explique la chercheuse, philosophe et écrivaine. 

Dans le cours public qu’elle donne ce printemps, elle s’emploie à déconstruire les clichés sur le genre que l’on prête aux contes de fées: «Au fil des siècles, plusieurs versions apparaissent. A l’origine, ces histoires parfois violentes étaient transmises oralement à un public d’adultes, souvent autour d’un feu.» Ce n’est que plus tard que Walt Disney a transformé et édulcoré ces récits pour les enfants. 

Autre fait méconnu, ce sont des femmes de la noblesse qui en sont les auteures vers la fin du XVIIe et le début du XVIIIe siècle. «Leur but était de mettre en question l’identité féminine.» Dans sa version de La Belle et la Bête, Madame de Villeneuve parle ainsi de consentement sexuel. «C’est un texte très pédagogique et libérateur, à une époque où les mariages forcés et le viol étaient largement admis par une société très patriarcale. On comprend dès lors pourquoi cette lecture émancipée et provocatrice n’a pas été retenue par la postérité et pourquoi ces conteuses sont ensuite tombées dans l’oubli», note la philosophe. 

Les contes décrivent aussi des relations de pouvoir qui restent d’actualité. «La Belle au bois dormant, dans une version italienne du XVIIe siècle où la princesse est violée par un roi durant son sommeil, n’est pas sans évoquer en effet la récente affaire Pelicot. Dans une version du Petit Chaperon rouge, la petite fille entre nue dans le lit du loup qui la dévore, et aucun chasseur ne vient la sauver. Le conte évoque finalement une histoire de pédophilie et une forme de mise en garde pour les jeunes filles de l’époque.»

Les références spirituelles sont nombreuses dans les contes

Chemin spirituel

C’est aussi l’aspect spirituel des contes qui intéresse Mariel Mazzocco. «Ils décrivent le cheminement de leurs personnages, notamment féminins, leur quête identitaire.» Les références spirituelles y sont nombreuses. Au début de l’ère chrétienne, dans Les Métamorphoses d’Apulée, Psyché est une métaphore de l’âme, comme le sera plus tard La Petite Sirène d’Andersen. «La Reine des neiges contient quant à lui des références à l’Evangile de Matthieu et son invitation à devenir comme des petits enfants pour entrer au royaume des cieux», relève encore la chercheuse. 

Plusieurs contes font des clins d’œil au mythe d’Eve. Mais à l’inverse d’interprétations chrétiennes normatives, ils évoquent en positif la curiosité féminine. C’est le cas dans La Barbe bleue de Charles Perrault, où la jeune épouse du monstre brave son interdiction d’entrer dans le cabinet, y découvre les victimes de sa cruauté et finit par se libérer de son emprise pour trouver enfin le bonheur. 

Les symboles et les métaphores de ces narrations ont un impact sur notre manière de percevoir les choses. «Ils nous parlent d’un cheminement spirituel que nous pouvons entreprendre pour avancer dans notre vie», estime Mariel Mazzocco. Si les premières versions écrites datent surtout du XVIIe siècle, leur origine remonte à la nuit des temps et leur transmission va sans doute perdurer encore longtemps. Peut-être parce que les contes de fées nous aident aussi à réenchanter notre réalité.

Côté pratique 

Cours public de Mariel Mazzocco, palais de l’Athénée, salle des Abeilles. Lundi, 10h30 à 12h (entrée libre). 
12 mai: «Les réécritures féministes des contes de fées». 
19 mai: «De la rébellion aux réinventions: déconstruire les stéréotypes de genre dans les contes». 

Séances sur Zoom 5 et 26 mai, de 18h30 à 19h30. Lien Zoom auprès de mariel.mazzocco@unige.ch. 

Site internet: urlr.me/fbYE9q.