Un urgent besoin d’Église

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Un urgent besoin d’Église

Limitations
Les croyants ne vivent pas tous de la même manière les privations de célébrations religieuses imposées par la crise sanitaire. Suivant le rôle que leur Eglise attribue à la célébration hebdomadaire, la crise peut être particulièrement difficile.

Dans tous les cantons suisses et dans plusieurs pays européens, des interdictions ou de fortes limitations touchent les célébrations religieuses. Plusieurs recours ont été déposés et des manifestations ont même eu lieu, malgré les mesures sanitaires, pour demander la réouverture des lieux de culte. Si la majorité des croyants se plient de bonne grâce aux restrictions, à suivre l’actualité, on a le sentiment que les catholiques vivent particulièrement mal cette privation.

«Loin de moi la prétention de décréter que les fidèles catholiques seraient plus attachés aux célébrations dominicales que les protestants», répond l’abbé François-Xavier Amherdt, professeur de théologie pratique à l’Université de Fribourg.

«Reste que, d’une part, les théologiens catholiques insistent peut-être un peu davantage que leurs collègues sur la richesse ‹objective› de grâce conférée par les sacrements et que, donc, les baptisé·e·s catholiques sentent plus le manque de la ‹présence réelle› de l’eucharistie», poursuit-il. «D’autre part, les instances ecclésiales catholiques continuent d’inviter fortement les fidèles à participer régulièrement (hebdomadairement) à la messe, comme lieu de rencontre personnelle ‹réelle› avec le Christ et comme ‹source et sommet› de toute la vie chrétienne», ajoute François- Xavier Amherdt, citant la Constitution sur la liturgie du concile Vatican II.

«Enfin, la dimension de rassemblement communautaire est, probablement, plus soulignée du côté catholique. C’est, d’abord, en peuple d’Alliance que les baptisé·e·s célèbrent leur Seigneur et entrent en dialogue et en communion avec lui. Ce qui ne supprime évidemment pas la relation intime et interpersonnelle de chacun·e avec le Christ.»

Relation directe à Dieu

«Le théologien pratique libéral que je suis se réjouit que les protestants ne jugent pas qu’une église ou un temple soit indispensable pour leur foi», résume, pour sa part, Olivier Bauer, professeur de théologie pratique à l’Université de Lausanne. La foi protestante insistant, en effet, davantage sur la relation directe à Dieu, «les protestants peuvent donc se passer de la médiation institutionnelle pour vivre leur foi», explique- t-il.

«J’ai vu, dans les médias, des images d’une manifestation française réclamant la réouverture des églises. L’un des manifestants avait une affichette ‹laisseznous prier›! Mais un protestant n’a pas besoin d’Église ou de pasteur pour être en relation avec Dieu.» Il ne s’agit pas pour autant de dénigrer le culte dominical et les autres activités, qui jouent un rôle essentiel dans la vie de la collectivité croyante. Et nombre de paroisses inventent des solutions pour aider chacun à garder, malgré tout, le lien avec Dieu durant cette période de crise.

Complémentarité des pratiques

«Pour vivre sa foi dans la plénitude, le musulman a besoin d’une pratique individuelle et collective. Les deux s’entretiennent», explique, pour sa part, Sandrine Ruiz, présidente de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM). «La foi est comme un vêtement, elle peut s’user. Les contacts réguliers avec la communauté permettent de la renouveler», explique-t-elle.

La prière du vendredi est, par ailleurs, un moment fortement apprécié. «C’est une bénédiction que de rechercher collectivement les faveurs divines». La fermeture des mosquées reste, toutefois, quelque chose que la communauté croyante peut accepter. «Bien sûr que cela pose plein de questions, et que c’est une épreuve, mais c’est pour la protection de la vie, ce qui fait partie des valeurs de l’islam.»