Une religieuse dénonce les conditions de vie des Roms d'Europe de l'Est

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Une religieuse dénonce les conditions de vie des Roms d'Europe de l'Est

9 décembre 2011
Varsovie, le 9 décembre (ENInews\Jonathan Luxmoore) – L'une des rares religieuses d'origine tsigane estime que les représentants de Bruxelles traitent trop souvent les Roms « comme des objets et non comme des gens ». Selon cette Slovaque, les structures sociales destinées aux Roms sont surpeuplées et surexploitées. Elle s'exprimait six mois après la présentation, par l'UE, d'une nouvelle stratégie visant à garantir l'intégration sociale des Roms d'ici 2020.

« Ici, les conditions spirituelles reflètent la situation économique. Bien que l'UE soit censée avoir permis des améliorations, des campements roms tout entiers demeurent tout aussi pauvres et opprimés qu'auparavant », a affirmé Atanazia Holubova, une religieuse de l'ordre grec-catholique de Saint-Basile-le-Grand, habitante de Bardejov, en Slovaquie. 

« Des représentants de Bruxelles sont venus ici pour faire le constat des conditions de vie. Mais ils sont trop portés sur les aspects négatifs de la vie tsigane », a-t-elle déclaré.

Cette religieuse de 59 ans appartient à l'Eglise grecque-catholique, qui mêle la liturgie orientale à la loyauté envers Rome. Dans une interview accordée au correspondant d'ENInews, elle a indiqué que la plupart des jeunes Tsiganes abandonnent l'école, ce qui perpétue leur isolement vis-à-vis de la population majoritaire.



Fonds européens détournés

Elle a ajouté que les fonds alloués par la Commission européenne à l'intention des Roms sont souvent détournés à d'autres fins par les autorités locales. D'après elle, ce n'est que récemment que les prêtres de l'ordre catholique romain des Salésiens ont obtenu la permission d'ouvrir une école rom à Bardejov, après plusieurs années de négociations avec le Conseil municipal de la ville slovaque.

 « Bien que certains Tsiganes soient partis à l'étranger trouver du travail, il n'y a pas eu de changements notables. Les mêmes problèmes demeurent, en particulier parmi les enfants et les jeunes », a expliqué Atanazia Holubova au correspondant d'ENInews.

Forte d'environ huit millions de personnes, la communauté rom d'Europe de l'Est représente le tiers de l'ensemble de la population rom dans le monde. S'il s'agit de la plus grande minorité de la région, elle est aussi la moins organisée et connaît des taux élevés de chômage et de mortalité infantile. L'espérance de vie des Roms serait à l'heure actuelle de quinze ans moins élevée que la moyenne régionale.

Les Tsiganes seraient arrivés en Europe depuis le sous-continent indien au 10e siècle. On estime que la moitié de tous les Tsiganes ont péri dans les camps nazis pendant la seconde guerre mondiale.



Emeutes anti-Roms

En juin, des évêques catholiques romains et luthériens ont appelé à mettre un terme aux « cas manifestes de discrimination et de racisme » à l'encontre des Tsiganes, lors d'un colloque organisé à Bruxelles avec les autorités de l'UE. Ils ont proposé l'instauration de cours de culture et d'histoire roms dans les écoles européennes.

En septembre, des évêques catholiques romains de République tchèque ont condamné le fait que « subsistent encore des ghettos » et ont exigé de leur gouvernement la mise en place d'un « plan réfléchi et approfondi », suite aux violentes émeutes anti-Roms qui ont éclaté dans le nord de la Bohême.

En octobre, l'Eglise catholique romaine en Pologne a été pointée du doigt par les leaders roms pour avoir renvoyé Stanisław Opocki, prêtre qui était depuis longtemps en charge des Roms dans l'Eglise. D'après les autorités catholiques, son engagement auprès des communautés tsiganes alimentait les tensions avec la majorité polonaise.



Population majoritaire d'ici 2050 en Slovaquie

Dans son interview avec le correspondant d'ENInews, Atanazia Holubova a indiqué que les prêtres catholiques romains s'investissent dans de nombreuses initiatives d'aide aux populations roms en Europe de l'Est. Ils ont notamment construit des églises et des centres culturels dans des districts ayant une importante population tsigane.

Cependant, a-t-elle ajouté, ils ont reçu peu ou pas de soutien de l'Etat. Elle affirme par ailleurs n'avoir constaté « aucune évolution significative des mentalités » depuis l'adhésion de son pays à l'UE, en 2004. 

« Personne ne veut vraiment donner un coup de main », a affirmé la religieuse, qui fait partie de la petite centaine de religieuses et prêtres catholiques roms de par le monde, dont la plupart travaille en Inde. « C'est pourquoi l'accompagnement pastoral de l'Eglise ne doit pas se limiter aux offices; il doit aussi inclure le travail caritatif et social. »

L'Eglise catholique romaine a mis en place des ministères spécialisés à l'intention des Tsiganes dans plusieurs pays européens. Toutefois les appels en vue d'installer un évêque spécial rom ont été rejetés en Slovaquie, où selon les prévisions, les Tsiganes deviendront la population majoritaire d'ici 2050. 

En 2005, le Vatican a publié ses premières « Orientations pour une pastorale des Tsiganes » et, en 2007, il a organisé la première Rencontre internationale de prêtres, diacres et religieux d'origine tsigane. (808 mots-ENI-11-F-0156-JMP)