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©Elise Dottrens

«Je ne peux plus dire ‹ Seigneur»

Spiritualité
Isabelle Graesslé sort un recueil de méditations adressées à ses paroissiens pendant la pandémie. Un ouvrage qui questionne la forme que prend Dieu, sa place dans nos vies et dans nos coeurs.

«C’est lorsque nous libérons notre esprit de [l’ensemble de dogmes et de croyances] qu’il nous est possible, peut-être, d’éprouver une réalité, une présence à nulle autre pareille.» Il est là, le coeur du dernier livre de la pasteure retraitée.

Telle la vieille légende hindoue qui raconte que les dieux décidèrent de cacher la divinité des hommes au fond d’eux mêmes, juste pour être sûrs qu’ils ne la retrouvent pas, Le Divin en nous encourage le lecteur à aller chercher cette divinité dans ses profondeurs, en s’accompagnant d’une spiritualité non duelle. «La plus grande partie du christianisme, dans l’Histoire, a plutôt fonctionné avec cette idée d’un Dieu à l’extérieur de nous, un Dieu créateur, tout-puissant, aimant, jugeant. Je me situe dans une autre tradition, qui a au fond toujours existé, pas seulement dans le christianisme.»

C’est en mars 2020 que la pasteure de la paroisse de Prilly-Jouxtens a commencé à égrener ses méditations, de manière à ne pas perdre le lien avec ses paroissiens confinés. «Je ne pouvais pas les laisser seuls. Je voulais leur apporter un message, les soutenir, les encourager, mais autrement.

Est donc née l’idée de la newsletter.» Une fois les cultes en présentiel repris, celle-ci a continué, jusqu’à la fin de son ministère, durant l’été 2024. Après sa retraite, elle a enlevé certaines redites pour publication, ajouté quelques méditations, organisé le tout de manière à suivre le calendrier de l’année liturgique.

Etincelles messianiques
Le processus pour arriver à certaines de ces méditations et réflexions a germé bien plus tôt dans la vie d’Isabelle Graesslé. «Toutes ces décennies m’ont amenée à renoncer à une certaine façon de comprendre le divin. Pendant longtemps, je me suis dit qu’à force de me délester de ces idées, telles des couches de vêtements, il ne resterait plus rien.» Une vision digne de la volonté bouddhiste de cheminer tout en se détachant du superflu. «Aujourd’hui, je ne conçois plus un Dieu à l’extérieur de nous, quelqu’un de tout-puissant. Mais davantage comme une présence, une énergie, un souffle que l’on peut ressentir en soi. 

Ainsi, je ne peux plus adresser mes prières à notre ‹ Seigneur ›. C’est à l’opposé de la façon dont j’imagine Dieu. Je ne peux plus utiliser ce mot. C’est un masculin tellement triomphant, dominant tout, y compris le féminin.» Isabelle Graesslé n’en est pas à son coup d’essai dans sa volonté de casser les codes. Dans les années 1990, avec des amies pasteures, elle propose une adaptation du livre des cantiques en langage inclusif.

Le choix du vocabulaire pour remplacer cette mue laissée derrière elle fait partie des questionnements pris à bras le corps par la théologienne. Le terme et concept de «divin» lui permet de combler ce vide, ainsi que ceux d’«étincelles messianiques», issus du mysticisme juif. «Il y a cette idée que quand Dieu a créé le monde, il a envoyé des étincelles et que chaque humain en a reçu. Cela m’aide à expliquer comment je conçois Dieu aujourd’hui.» Pour marquer le coup de sa retraite, un voyage en Inde en 2024 lui permet d’ancrer des ressentis exprimés dans le livre. «Dans certains temples, j’ai ressenti la présence du souffle de manière tellement forte… et douce à la fois.» Il serait donc partout: un divin en mille étincelles, un divin dans le souffle qui nous entoure, un divin caché tout au fond de soi. «C’est lui qui nous relie à ce qui nous échappe, à la beauté et à la cohérence du monde», explique-t-elle.

A ne pas manquer
Le Divin en nous, Isabelle Graesslé
Editions Ouverture, 2025, 138 p.