L’Église pour le remboursement du dépistage de la trisomie 21

iStock/Svisio / Une molécule d'ADN.
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Une molécule d'ADN.

L’Église pour le remboursement du dépistage de la trisomie 21

19 novembre 2018
Allemagne
L’Église protestante allemande préconise un remboursement des tests de dépistage de la trisomie. Les théologiens réclament dans le même temps un meilleur accompagnement des futures mères.

L’Église protestante allemande (EKD) a pris position dans l’épineux débat qui entoure les tests génétiques prénataux. L’institution religieuse se dit favorable à leur prise en charge par les caisses d’assurance maladie, mais réclame aussi un meilleur accompagnement des femmes enceintes. L’expérience a prouvé que « les dilemmes liés à la grossesse ne peuvent se résoudre qu’en accord avec la mère », a affirmé le théologien Reiner Anselm, s’exprimant lors de la présentation d’un document de prise de position de l’EKD sur le diagnostic prénatal non invasif, début novembre. À l’en croire, cette double préoccupation se distingue des déclarations émises par les autres traditions religieuses majoritaires.

Le texte en question a été élaboré par la chambre en charge de la responsabilité publique de l’EKD. Le Conseil s’en est ensuite pleinement approprié les recommandations, comme le souligne son président Heinrich Bedford-Strohm en avant-propos. L’objet de la déclaration : le débat en cours sur les tests génétiques prénataux qui, grâce à une prise de sang, permettent de dépister avec une grande fiabilité les cas de trisomie 21 (ou syndrome de Down). Contrairement à l’amniocentèse et à la biopsie du trophoblaste (ndlr : un prélèvement du futur placenta), susceptibles de provoquer des fausses couches, ces examens quasiment sans risque ne sont à ce jour pas remboursés par les caisses d’assurance maladie légale. Si leur pratique est autorisée, et que des dizaines de milliers de femmes y recourent, c’est aux futures mamans qu’il revient de les financer.

Le suivi des mères comme priorité

L’année prochaine, la Commission fédérale commune pour la santé publique (GBA), qui décide de la liste des actes médicaux remboursés par les caisses d’assurance maladie allemandes, pourrait recommander d’y ajouter le dépistage génétique de la trisomie 21 pour les grossesses à risque. Les futures mères n’auraient alors qu’à effectuer une prise de sang. Si cette méthode non invasive devait permettre la collecte d’informations solides avec un minimum de danger pour la mère et l’enfant, « alors il y aurait certainement bien des raisons de [lui] accorder la priorité par rapport aux procédures […] favorisées jusqu’ici, l’intégrant à la liste des actes pris en charge par les caisses d’assurance maladie légale », peut-on lire dans le document de 44 pages présenté par l’EKD.

Le suivi des futures mères est cependant l’axe principal du texte, souligne Martin Dutzmann, représentant de l’EKD à Berlin. Cela y est effectivement clairement exprimé : « Un diagnostic prénatal non invasif ne doit être proposé et effectué que dans le cadre d’un accompagnement sérieux sur le plan psychosocial et éthique. » Il est suggéré de proposer un conseil en dehors de la sphère strictement médicale, par exemple à travers les centres maternels déjà existants — prestation qui serait elle aussi remboursée. « Ce type de cas ont toujours été très difficiles à gérer », poursuit le représentant. Les femmes enceintes soumises à de tels examens en sortent souvent très ébranlées.

Reiner Anselm explique voir dans ce suivi la seule possibilité d’éviter un périlleux glissement dans le regard que porte la société sur le handicap. Les opposants de cette mesure estiment en effet qu’elle risque d’entraîner une hausse du nombre d’avortements. « Notre état de droit, avec toutes les valeurs morales et humaines qu’il implique, ne saurait non plus tolérer que la mise en place généralisée du diagnostic prénatal non invasif conduise graduellement à ce que toute une catégorie d’enfants à naître, au nom de particularités génétiques telles que la trisomie 21, se voit refuser le droit à la vie », affirme le texte de l’EKD. Josef Hecken, le président de la GBA, a salué cette prise de position. La demande d’un « véritable engagement d’accompagnement de la part de la société » comme indispensable complément du diagnostic soulève « des idées particulièrement intéressantes », a-t-il déclaré à l’EPD. Les futurs parents doivent être mieux soutenus afin de décider des mesures de dépistage qu’ils souhaitent prendre vis-à-vis des maladies et anomalies génétiques.

Enjeux éthiques

Actuellement, la controverse est vive autour des tests génétiques prénataux, qui soulèvent bien des questions d’éthique. Le cœur du problème : plus de la moitié des cas de trisomie 21 dépistés déboucheraient sur un avortement. Un état des lieux des services scientifiques du Bundestag (basé sur une étude dont le nombre de sujets était cependant réduit) fixe ce chiffre à 68%. Les associations d’aide aux personnes, elles, parlent de 90% : impossible d’établir un consensus sur ces données. Les Églises et les fédérations de handicapés — tout comme Josef Hecken, le président de la GBA — mettent en avant les problèmes éthiques associés à une généralisation du dépistage : ils craignent la mise en place d’une prévention systématique de toute anomalie génétique.

Les dépistages en chiffres

Le laboratoire de Constance LifeCodexx compte parmi les acteurs proposant un test de dépistage par prise de sang de la trisomie 21, le « PraenaTest ». D’après le groupe, 50 000 femmes enceintes y auraient eu recours en Allemagne depuis 2012. La procédure est présentée sous le nom de « dépistage prénatal non invasif » (ou DPNI). Elle consiste en un prélèvement du sang de la mère, dont l’analyse permet de déceler d’éventuelles anomalies chromosomiques chez l’enfant : trisomie 21, mais aussi 18 et 13, des formes plus rares entraînant un très lourd handicap.

La procédure est aujourd’hui devenue abordable pour la majorité des femmes : elle coûte entre 199 euros et 299 euros (entre 216 fr. et 330 fr.), en fonction du nombre d’anomalies potentielles à dépister. D’après la Société allemande de gynécologie et d’obstétrique, les médecins y ajoutent une augmentation pouvant aller jusqu’à 30 euros (25 fr.) par examen. Beaucoup la combinent avec des échographies supplémentaires, a précisé Ulrich Gembruch, directeur de la clinique d’obstétrique et de médecine prénatale de l’université de Bonn, en réponse aux interrogations qui lui étaient soumises. À l’époque de sa mise sur le marché, le test revenait à 1049 euros (1188 fr.). D’après une porte-parole de LifeCodexx, 54% des patientes qui le subissent ont plus de 35 ans et appartiennent donc à la catégorie des grossesses à risque. À partir de cet âge, la probabilité de donner naissance à un enfant trisomique devient plus élevée. Un quart des femmes concernées ont fait la démarche suite à une suspicion de trisomie par les professionnels médicaux ; les 75% restants n’avaient présenté dans leur suivi aucun résultat anormal.

EPD/Protestinter