«Les pasteurs et curés ne sont pas préparés à accompagner des situations chaotiques autour de la naissance»

Worapu/iStock / La naissance n'est pas toujours vécue comme un événement joyeux.
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La naissance n'est pas toujours vécue comme un événement joyeux.

«Les pasteurs et curés ne sont pas préparés à accompagner des situations chaotiques autour de la naissance»

13 novembre 2018
Comment accompagner les futurs parents dans la venue d’un enfant, avec ses joies et ses peines? Elise Cairus, docteure en théologie a creusé la piste de l’accompagnement spirituel de la naissance dans sa thèse, qu’elle veut comme une boîte à outils pour les professionnels. Les 15 et 16 novembre elle donne une conférence et une formation à Romainmôtier sur le sujet. Interview.

Qu’est-ce que l’accompagnement spirituel de la naissance?

On parle souvent d’accompagnement spirituel pour la maladie, la fin de vie, le deuil, mais jamais pour la naissance, comme s’il s’agissait toujours d’un événement joyeux, qui allait de soi. Mais ce n’est pas le cas. Les complications sont nombreuses: infertilité et PMA (procréation médicalement assistée), deuil périnatal, IVG et IMG (interruption volontaire ou médicale de grossesse), accueil d’un enfant malade ou en situation de handicap. C’est donc un moment où surgit la question du sens. L’accompagnement spirituel de la naissance vise principalement à réhabiliter le parent dans sa dignité d’être humain précieux aux yeux de Dieu, et qui lui permette de continuer un chemin de foi sereinement.

Pourquoi avoir consacré une thèse sur le sujet?

Il y a huit ans et demi, j’ai fait une grave et rare complication lors de la naissance de ma fille. On m’a opérée en urgence et j’ai été transfusée. J’ai réalisé que donner la vie pouvait parfois signifier frôler la mort. Je me suis alors promis de travailler sur ce sujet d’un point de vue théologique et spirituel. J’y ai consacré ma thèse de doctorat. J’ai cherché à savoir comment l’arrivée d’un enfant, compliquée ou pas, pourrait devenir et se vivre comme une occasion de croissance ou de renouvellement spirituel.

Au fil de mes lectures et des entretiens, je me suis rendue compte, que mon travail était pionnier. La théologie ne s’est pas encore approprié le sujet. Et ce type d’accompagnement n’existe quasiment pas. Je n’ai trouvé que la Congrégation des petites sœurs des maternités catholiques, qui accompagne spirituellement le début de la vie dans une maternité à Paris. Elles assurent des soins médicaux et spirituels quotidiens auprès des parents et de l’enfant. Elles proposent aussi un accompagnement spirituel à la naissance sous la forme d’un cheminement en quatre soirées thématiques au cours de la grossesse et lors de la dernière rencontre, l’enfant est béni in utero.

La naissance est-elle un tabou dans les milieux d’Église?

Parmi la vingtaine de personnes rencontrées pour ma thèse qui avaient vécu des choses difficiles autour de l’arrivée d’un enfant, beaucoup m’ont confié avoir parlé à leur pasteur ou leur curé et avoir été reçus fraîchement. Non par manque d’intérêt, plutôt par pudeur et désarmement, je pense. Je me rappelle d’une femme qui avait parlé de sa fausse-couche à son pasteur. Ce dernier lui avait répondu: «Mais vous êtes jeune, vous en aurez d’autres!», sans savoir que cette jeune femme était en ménopause précoce à 28 ans et qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfant.

Les pasteurs et curés ne sont pas spécialement préparés à accompagner des situations chaotiques autour de la naissance. Or, un accompagnement médical et psychologique n’est pas toujours suffisant.

Comment accompagner une grossesse?

Lorsqu’il y a des complications entourant la grossesse, le sentiment d’injustice, d’incompréhension peut mettre à mal la relation avec Dieu. Il s’agit alors pour l’accompagnant spirituel, via une écoute non jugeante et un accueil inconditionnel, de permettre à ce que la confiance et l’espérance en Dieu puissent être maintenue ou renouée.

Lorsque tout se passe bien, l’accompagnement se centre moins sur la consolation que sur la façon de vivre ce temps, en couple, en famille. La naissance est l’occasion de se préparer à l’imprévu, qui peut se transformer en un magnifique cheminement spirituel. Méditer sur la naissance, c’est méditer sur le cycle de la vie. S’émerveiller devant une vie nouvelle, devant le don de l’enfant qui nous est fait et que Dieu nous confie, nous permet de puiser dans notre propre foi ou de redécouvrir à cette occasion notre quête de Dieu. La théologie chrétienne peut amener des clés à toutes ces questions existentielles.

Votre thèse sera publiée en mars, aux éditions Salvator, sous une forme accessible au grand public. Vous venez présenter votre travail à Romainmôtier?

Je n’ai pas rédigé une thèse pour qu’elle prenne la poussière sur une étagère de bibliothèque, mais bien pour qu’elle soit utile aux professionnels, comme aux parents. L’objectif est faire connaître et sensibiliser les gens souvent mal outillés, démunis. Et peut-être de voir émerger des formes d’accompagnement spirituel de naissance.

Formation et sensibilisation à l’accompagnement spirituel de naissance

Elise Cairus sera les 15 et 16 novembre à Romainmôtier. Au programme: le 15 novembre à 20h, conférence «La parentalité comme cheminement spirituel», ouvert à tous entrée libre, collecte. Le 16 novembre, de 9h à 17h, formation et sensibilisation à l’accompagnement de la naissance. Ouvert à tous, notamment aux personnes amenées à accompagner des familles. Prix: 100 fr. (sans repas) gratuit pour les membres d’un conseil d’Église. Informations et inscription sur le site de la Région Joux-Orbe.