Mange et tais-toi!

Joël Burri / ©DR
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Joël Burri
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Mange et tais-toi!

Edito
«Moi, la cène, ça me manque! Ça fait une année qu’elle fait l’objet de restrictions, ça ne serait pas l’occasion de réfléchir à ce qu’elle représente?»

C’est à la suite d’une remarque de cet ordre-là que l’idée de faire un dossier sur ce rite s’est imposée dans la rédaction. Croyant ou non, la cène évoque tout un univers symbolique chez chacun et chacune, avec en particulier une représentation qui s’impose à tous : le tableau sans cesse réinterprété de Leonardo da Vinci.

Mais, avant de se lancer, quelques lectures et recherches sur internet sont nécessaires. Elles posent une évidence : cette histoire de sang et de corps du Christ a suscité des torrents de réflexions, de disputes théologiques, de questionnements, d’incompréhensions, voire de craintes.

C’est donc avec l’impression d’affronter une montagne de complexité et de discours savants que j’ai finalement décroché mon téléphone pour interroger quelques sages du côté des facultés de théologie. «On est sorti de l’idée qu’il faut tout saisir», «un signe visible puisque l’on ne peut tout comprendre avec les mots», «un moment à vivre!», «une préfiguration du Royaume», etc. Mes interlocuteurs et mes interlocutrices me parlent de joie, d’expérience, de plaisir, de fraternité.

Ces concepts-là, je ne suis pas sûr qu’ils soient plus faciles à coucher sur le papier, parce que justement, la pensée articulée a ses limites. Il arrive un moment où il faut simplement se laisser porter par l’expérience sensorielle et communautaire : comme un bout de pain partagé dans un cadre liturgique, comme un verre partagé entre amis sur une terrasse. Et c’est peut-être de cela que nous avons été le plus privés durant cette année de mesures sanitaires.