L’incroyable dossier des fausses reliques

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

L’incroyable dossier des fausses reliques

26 août 2005
En 2002, l’apparition d’un ossuaire censé contenir les ossements de Jacques, le frère de Jésus, fait l’effet d’une bombe
Mais, il s’agit d’un faux, pièce maîtresse d’un vaste trafic de prétendus vestiges bibliques. Dans un livre passionnant, un journaliste français raconte les enjeux d’une bataille au coeur de laquelle se joue notre rapport à l’histoire. 29 décembre 2004: le parquet de Jérusalem annonce l’inculpation du plus grand collectionneur d’art israélien et de trois principaux antiquaires du pays. L’affaire fait grand bruit dans le pays comme dans les milieux de l’archéologie biblique : les trois accusés sont en effet soupçonnés d’avoir fabriqué et vendu une centaine de contrefaçons d’objets se référant à l’Ancien Testament et aux Evangiles.

« Parmi ces contrefaçons d’objets bibliques se trouve l’une des antiquités les plus célèbres de ces dernières années : l’ossuaire de Jacques», explique Patrick Jean-Baptiste dans « L’Affaire des fausses reliques », passionnant périple historico-journalistique à travers les méandres d’un véritable trafic.

En 2002, l’apparition de cette boîte en pierre d’une soixantaine de centimètres de long enflamment scientifiques et croyants à l’annonce de l’incroyable découverte de l'ossuaire portant l’inscription « Jacques, fils de Joseph, le frère de Jésus ». Présenté à l’occasion d’un colloque réunissant le gotha des spécialistes de la Bible au Canada, exposé en grande pompe par un musée canadien, le réceptacle contiendrait les restes de Jacques le Juste, frère du Christ selon les Evangiles. Première attestation du Jésus historique ?L’objet constituerait non seulement la première attestation de l’existence du Jésus historique, mais il apporterait la preuve que le dogme catholique romain concernant la virginité de Marie est infondé. Quelques mois plus tard, l’épigraphe français André Lemaire, directeur d’études à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE) de la Sorbonne enfonce le clou et se dit convaincu qu’il s’agit d’un scoop archéologique. Selon lui, il existe de fortes présomptions que les ossements soient bien ceux du frère de Jésus, fondateur de l’Eglise de Jérusalem, et mort lapidé en 64.

Mais peu à peu, l’enthousiasme laisse place à la polémique. Entre théologiens d’abord, les catholiques soupçonnant à demi-mot une machination des protestants qui ont toujours admis que Jésus ait eu plusieurs frères et soeurs. Par ailleurs, peu à peu, « plusieurs scientifiques mettent en doute la véracité de la découverte », raconte Patrick Jean-Baptiste. Le prêtre Emile Puech, l’un des plus grands spécialistes des manuscrits de la Mer morte, se dit convaincu d’une supercherie. Rochelle Altman, spécialiste de l’histoire des Ecritures, analyse l’inscription et conclut que les deux parties du texte « Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus » ne sont pas de la même écriture. Paul Flesher, spécialiste des dialectes araméens à l’Université du Wyoming affirme pour sa part qu’ « il s’agit d’une forme d’araméen qui n’a pas été parlée en Galilée avant le IIe siècle. »

Il faudra une fastidieuse enquête menée par la Surintendance archéologique et la police israéliennes pour démasquer les faussaires. La force du récit de Patrick Jean-Baptiste consiste non seulement à nous livrer par le menu les détails de cette affaire rocambolesque, mais surtout à nous en livrer les enjeux. Ainsi, parmi les autres pièces frauduleuses se trouve la tablette de Joas, qui aurait démontré que le premier temple, celui de Salomon, a bien existé à Jérusalem. Avec les implications politiques que l’on imagine. UTILE

Patrick Jean-Baptiste, « L’Affaire des fausses reliques », chez Albin Michel