Le petit livre rouge des catholiques, succès religieux de la rentrée ?

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Le petit livre rouge des catholiques, succès religieux de la rentrée ?

16 septembre 2005
Le petit catéchisme de l’Eglise catholique vient de paraître dans sa version française, après s’être très bien vendu en Italie
Dirigé par le cardinal Ratzinger, devenu entretemps le pape Benoît XVI, cet Abrégé signe le retour en force d’une identité romaine intransigeante. L'ouvrage fait déjà déjà un carton en Italie, son pays d’édition. Environ 500'000 exemplaires de l’abrégé du « Cathéchisme de l’Eglise catholique » ont été vendus depuis fin juin. Cette synthèse du volume publié en 1992, qui s’était lui-même écoulé à 600'000 exemplaires, vient de paraître en version française. Tiré à 100'000 exemplaires, il s’annonce comme le succès religieux de la rentrée littéraire.

L’une des raisons de la curiosité suscitée par l’ouvrage tient peut-être à la préface signée par celui qui n’était pas encore Benoît XVI. C’est en effet Joseph Ratzinger, en tant que préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui avait été chargé par Jean-Paul II de préparer ce condensé du vade-mecum catholique. Le but ? Apporter « un renouveau d’intérêt et de ferveur » au grand Catéchisme qui demeure le « texte de base de la catéchèse ecclésiale actuelle », ainsi que le précise le cardinal dans son introduction.

« Petit livre rouge du catholicisme » selon le propos un brin humoristique du Père Alain de la Morandais invité par Marc Fogiel dans l’émission « On ne peut pas plaire à tout le monde », ce petit livre à la couverture bordeaux remet au goût du jour un genre littéraire, le dialogue, tombé en désuétude après avoir été longtemps en usage dans la catéchèse. Magistère et moralismePrès de 600 questions-réponses sur 290 pages célèbrent le tour du dogme, de l’éthique et des comportements moraux depuis « Quel est le dessein de l’homme ? » jusqu’à la signification de l’Amen (fidèle, en hébreu). Une sorte de « dialogue idéal entre le maître et son disciple », explique le cardinal Ratzinger, pour qui cette formule « contribue à abréger notablement le texte, le réduisant à l’essentiel, ce qui pourrait favoriser l’assimilation et la mémorisation éventuelle du contenu ».

En matière de contenu, justement, qu’apprend-on ? Qu’en matière ecclésiale, par exemple, les esprits ont quelque peu évolué depuis Vatican II (1965). Avant le célèbre Concile, seuls étaient considérés comme fidèles de l’Eglise « les chrétiens soumis au Pape et aux Évêques ». Un demi-siècle plus tard, à l’interrogation « Qui fait partie de l’Eglise catholique ? » le texte commence par répondre: «Tous les hommes, sous diverses formes, appartiennent ou sont ordonnés à l’unité catholique du Peuple de Dieu ». Reprenant Vatican II, «l’Église catholique reconnaît que ce qu’il y a de bon et de vrai dans les autres religions vient de Dieu», et grâce à leur incorporation au Christ par le baptême, les membres d’autres communautés peuvent être reconnus comme « frères ». En revanche, bien sûr, seule « l’Eglise catholique gouvernée par le successeur de Pierre » recèle « l’unique Eglise du Christ (...) par qui l’on peut atteindre la plénitude du salut ».

Notons au passage l’utilisation d’images, une première dans un tel exercice. En matière de moeurs, en revanche, les éléments classiques de la doctrine catholique demeurent fermement accrochés à leur socle. Ainsi, « l’adultère, la masturbation, la fornication, la pornographie, le viol et les actes homosexuels » sont mis sur un pied d’égalité comme des « péchés gravement contraires à la chasteté ».

À qui s’adresse cet abrégé ? « Avant tout à l’Église entière et à chaque chrétien en particulier », répond Benoît XVI dans le « motu proprio » approuvant sa publication. On le sait, le nouveau pape dénonce ce qu’il nomme la dictature du relativisme de la société occidentale. Face à ce dernier, se dresse selon lui une minorité de croyants appelés à devenir « le sel de la terre ». Ce contenu aux certitudes fermement affirmées leur est destiné. La grande majorité du « peuple catholique » va-t-elle lui donner l'importancer d'une parole d’évangile ? On peut en douter. Reste que, comme le signale l’hebdomadaire Réforme, cet Abrégé marque le retour en force de l’identité catholique, doublé d’un moralisme étroit, oeuvrant pour l’adéquation perdue entre Ecritures et loi civile. Courageux pour les uns, déconcertant pour les autres.