Marathon de la survie des travailleuses latino-américaines clandestines :A Genève, le forum de l’EPER rappelle le droit à la santé des « sans papiers »

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Marathon de la survie des travailleuses latino-américaines clandestines :A Genève, le forum de l’EPER rappelle le droit à la santé des « sans papiers »

30 septembre 2005
La vie de bien des travailleuses latino-américaines est un marathon de la survie
Samedi, Un forum sur la santé des sans-papiers leur a été consacré à Genève samedi dernier par l’EPER (Entraide Protestante Suisse), initiatrice du projet pilote « Permanences Volantes », destiné aux personnes sans autorisation de séjour hispanophones. Si à Genève, des équipes de soins communautaires vont à leur rencontre, à Lausanne, la Policlinique médicale universitaire prend en charge les patients ambulatoires sans autorisation de séjour. Et a développé une unité spécifique. Julia* court depuis trois ans d’une employeuse à l’autre, pour faire des ménages et garder des enfants. Le soir elle rentre dans le deux pièces qu’elle partage avec des compatriotes. Combien au juste ? Sur le nombre, elle reste évasive. Ses colocataires changent souvent ou disparaissent du jour au lendemain, sans laisser d’adresse. Sans papiers, on n’existe pas, on survit ! Chaque mois, elle envoie à sa famille argent et ballots de vêtements reçus ou récupérés. A-t-elle des enfants restés au pays où elle travaillait comme assistante sociale ? Julia est sans doute au noir dans notre pays. Elle ne l’a jamais expressément dit aux Suisses qu’elle côtoie. Mais il est des signes qui ne trompent pas : elle n’attend jamais son bus aux arrêts, refuse de suivre des cours de français, même spécifiquement destinés aux migrants, de peur de devoir montrer ses papiers, elle n’a pas de téléphone fixe. Elle vit perpétuellement dans l’angoisse et travaille dur, dans l’incertitude des lendemains, mais jamais elle ne s’est plainte. Jusqu’au jour où une sinusite lui a sérieusement empoisonné la vie. Elle a appris de bouche à oreille qu’elle pouvait aller à la consultation de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne où on la soignerait sans lui imposer des tracasseries administratives ni la dénoncer. Une garantie essentielle pour la jeune femme terrorisée à l’idée d’être renvoyée. C’est ainsi qu’elle a atterri dans le service de consultation générale du Dr. Patrick Bodenmann, chef de clinique de la Policlinique médicale de Lausanne, qui a participé au Forum sur la santé des sans-papiers organisé par l’EPER samedi 1er octobre. L’occasion pour le médecin, qui parle couramment l’espagnol et a passé plusieurs années en Amérique latine, de présenter la prise en charge médicale des sans papiers par la polyclinique, qui possède une Unité des populations vulnérables, créée en 2001 à Lausanne qui s'occupe plus particulièrement de la problématique des migrants, qu'ils soient requérants d'asile et des personnes sans papiers.

Parmi les patients accueillis par l’Unité, une importante clientèle sud-américaine, essentiellement féminine, qui se présente spontanément, à l’instar de Julia. Des femmes entre 20 et 35 ans, qui ont de solides ressources physiques et sont très motivées. Mais qui, à un moment ou un autre, ont un sérieux ennui de santé, un problème de grossesse non désirée ou ont subi des violences.

L’Unité des populations vulnérables est constituée de douze personnes qui ont une très bonne connaissance du réseau de prise en charge de la population vivant dans une situation de grande précarité et sont rompus à l’approche pluriculturelle. L’équipe collabore étroitement avec le Point d’Eau en ville de Lausanne.

En quatre ans, la Polyclinique a enregistré plus de 1800 consultations. Le Dr. Bodenmann précise : « Ce service est née de la volonté de l’institution de donner des soins de qualité aux migrants, qu’ils soient des clandestins ou des requérants d’asile déboutés (appelés NEM), ces derniers ayant sensiblement grossi le nombre des sans papiers avec le durcissement de la politique fédérale. Au cours des quatre ans d’existence de l’Unité, nous avons constaté une précarisation accrue parmi ces gens. Notre personnel a été formé à la prise en charge multiculturelle de ces patients, dans un rapport basé sur la confiance et le respect de la dignité de l’autre ».

L’équipe lausannoise s’appuie sur les personnes ressources des différents services de la policlinique. Elle a aussi pour tâche d’informer les patients sur toutes les adresses qui peuvent répondre à leurs questions ou leurs problèmes et les oriente au besoin vers le planning familial, le groupe sida, etc.

Les consultations sont-elles gratuites pour les personnes sans papiers ? « Non, répond le Dr. Bodenmann, on reçoit tout le monde de la même manière mais on a établi une procédure pour les migrants sans documents valables basée la confiance, les pour enregistrer et les soigner. On établit un dossier complété successivement par les différents intervenants, des médecins à l’infirmière en santé communautaire. On discute avec les patients concernés non assurés du mode de paiement. Des arrangements peuvent être trouvés avec les services comptables de la policlinique. Le simple fait de dire « Vous allez payer vos consultations » permet à ces personnes d’oser revenir, et leur restitue toute leur dignité ».

*prénom d'emprunt