Une vaste étude pour agir contre le racisme
L’institut genevois d’études sociales (ies) a inauguré jeudi dernier un bâtiment flambant neuf. Cette manifestation mi-officielle, mi-festive, a été l’occasion de présenter un vaste ouvrage de référence sur le racisme.
Présenté sous forme d’un imposant classeur, « Racisme(s) et citoyenneté »* le document est édité par les éditions maison, qui publient chaque année 5 à 6 volumes issus des recherches entreprises dans l’institution ou des réflexions de professionnels fraîchement diplômés. Soutenu par la Confédération et les cantons de Genève, Vaud et Neuchâtel, ce long travail pluridisciplinaire – près de dix ans de gestation – rassemble la contribution d’une quarantaine d’auteurs, historiens, juristes, travailleurs sociaux, psychologues, etc.
Une large place est également faite aux témoignages des victimes, souvent oubliées dans pareille démarche. « Nous avons employé le pluriel dans le titre, d’abord parce qu’il existe plusieurs racismes touchant des groupes ethniques ou religieux divers. Mais aussi pour évoquer les différentes formes que prennent le déni et la haine de l’autre : exclusion sociale, privation des droits, discrimination salariale, entre autres », expliquent la sociologue Monique Eckermann et l’historienne Michèle Fleury qui ont dirigé le projet.
Le public concerné ? Les enseignants, les professionnels du social, les formateurs d’adultes, les responsables associatifs de la santé, du secteur public et privé, des églises, communes et syndicats. « Ce document s'adresse plus généralement à tous les citoyens déterminés à prouver qu’il est possible d’agir contre le racisme », soulignent encore les deux directrices de l’ouvrage. Ainsi, si la première partie s’attache à l’analyse en chaerchant à « comprendre le(s) racisme(s) », la seconde vise à agir et éduquer, en inventoriant les moyens de lutte et les perspectives pour l’action dans la vie quotidienne. Autre particularité de la démarche, un regard centré sur notre nous-mêmes. « Pour prendre en compte le phénomène, et trouver des remèdes, il s’agit de ne pas se voiler la face en pensant que cela n’existe pas chez nous. Ce n’est pas parce que notre pays n’a pas été un Etat colonial et n’a pas participé aux conflits mondiaux, que l’on n'y relève pas des traces d’implication de l’Etat ou de certains habitants », relève Monique Eckermann. A ce sujet, le classeur rappelle le tristement célèbre « J » apposé sur le passeport des Juifs durant la seconde Guerre Mondiale. Ou encore, plus loin de nous, la participation d’entreprises helvétiques à la traite négrière. Sans oublier des actes racistes décidés dans notre pays, comme la sédentarisation forcée des enfants tziganes.
Bref, ici comme ailleurs, le changement des mentalités et la protection des populations étrangères demeurent une nécessité. Cela passe par des lois : désormais, avec l’article 261 bis, notre Constitution dispose d’une norme pénale pour punir les propos et actes racistes. Plus fondamentalement, c’est aussi affaire d’une sensibilisation tout azimut, dans l’administration, dans le monde du travail, dans le discours politique, et dans les mentalités en général.
* « Racisme(s) et citoyenneté », sous la direction de Monique Eckermann et Michèle Fleury, éd. ies., 430 pages.