« La force de conviction » de Jean-Claude Guillebaud :Entre scepticisme et crédulité aveugle

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« La force de conviction » de Jean-Claude Guillebaud :Entre scepticisme et crédulité aveugle

6 octobre 2005
Jean-Claude Guillebaud vient de publier « La Force de conviction », un ouvrage de 400 pages où il se demande à quoi nous pouvons croire aujourd’hui sans succomber au dogmatisme
Il enquête sur le désarroi contemporain face à l’effacement des convictions, qu’elles soient politiques, économiques, scientifiques ou religieuses. Il estime que le « croire humain », de quelque nature qu’il soit, exige une interrogation et une interprétation toujours renouvelées et une ouverture aux autres, loin de toute sclérose. « C’est la croyance qui nous fait homme et qui nous distingue de l’animal » : journaliste et essayiste, Jean-Claude Guillebaud rappelle qu’elle est un invariant anthropologique fondamental, constitutif de l’humanité. Or il constate qu’aujourd’hui l’homme, libéré des injonctions de l’histoire, de la religion et des idéologies, a pris ses distances avec les croyances, craignant comme la peste les endoctrinements totalitaires qui ont entraîné les pires horreurs au 20e siècle. « Les illusions évanouies et les utopies brisées nous ont conduits à nous défier peu à peu de ce que nous étions avant-hier », constate l’auteur. Prise en étau entre une aspiration à l’oubli des massacres passés et le devoir de mémoire, la société postmoderne vit à l’heure des convictions minimales, se défiant des croyants de tout poil, considérés comme captifs de leurs credo.

Or, estime Jean-Claude Guillebaud, aucune société ne peut survivre sans une conviction qui la maintienne debout, avec un minimum de cohésion, de cohérence et de solidarité. « Si nous pensons, chacun dans notre coin, des choses radicalement différentes, nous ne pouvons pas faire société ».

Il est convaincu que, contrairement à ce qu’on dit quelquefois, une croyance forte, assurée d’elle-même et capable de s’ouvrir aux autres, est un gage de tolérance. C’est la solidité des croyances différentes qui permet l’assurance d’un espace commun où il est possible de dialoguer. Il reprend l’exemple des terroristes islamistes qui sont souvent des gens qui ont rompu avec leur foi avant de s’accrocher à un islam décomposé par le déracinement et figé dans un passé idéalisé.

Jean-Claude Guillebaud rappelle que la force de conviction se construit, qu’elle est une adhésion, une confiance, un acte de volonté. Il estime que le scepticisme intégral affiché par certains n’a pas de sens ; il reprend le raisonnement de Ludwig Wittgenstein : Pour douter, il faut croire en son propre doute. Autrement dit, la croyance est fondamentale, insiste l’auteur, « à condition de travailler ensemble à la rendre possible sans qu’elle bascule dans l’intégrisme, le dogmatisme, sans qu’elle se barricade ». Débarrassée des crédulités brutes, des emportements agressifs, la force de conviction permet alors une refondation d’un monde en pleine mutation, qui surgit sous nos yeux incrédules et nous désarçonne.

Au passage, il salue l’exégèse toujours renouvelée des textes fondateurs du christianisme, les quatre Evangiles. Guillebaud voit dans leur contradiction même l’assurance qu’ils ne peuvent être pris au pied de la lettre. Le fait qu’ils soient réinterprétés, réactualisés et débattus de génération en génération, voire recréés pour qu’ils nous disent des choses neuves, avec les mots d’aujourd’hui et notre connaissance actuelle du monde, les rend vivants aujourd’hui encore, et actuels.