Créer pour s’en sortir : des toxicomanes exposent à l’Hôtel de Ville de Lausanne

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Créer pour s’en sortir : des toxicomanes exposent à l’Hôtel de Ville de Lausanne

14 octobre 2005
Depuis une décennie, au coeur de la capitale vaudoise, l’atelier L’Eveil offre aux toxicomanes et autres personnes souffrant de dépendance une démarche artistique comme moyen de reconstruction personnelle et sociale
Durant 15 jours, une vaste rétrospective expose un choix impressionnant d’oeuvres pas comme les autres.L’atelier L’Eveil expose dix ans de transformation par l’art

« Peindre. C’est accuser, pleurer, crier, tomber et rebondir. Je ne veux plus me mentir, me punir, m’enfuir car tout est une expérience, même mon pire ». Ce bouleversant témoignage anonyme s’affiche, parmi d’autres, sur les murs du Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne, au milieu des toiles, sculptures et calligraphies de L’Eveil. Cette rétrospective marque une décennie de présence au milieu du monde de la rue pour cet atelier pas comme les autres.

L’art comme thérapie, comme moyen de se retrouver, de réapprendre à se respecter, à partager, à créer des liens. Depuis une décennie, à Lausanne, l’atelier L’Eveil offre aux marginaux, le plus souvent enfermés dans l’enfer de la toxicomanie, un espace de création pour se reconstruire. « On vient librement, et c’est de la même manière que l’on choisit de rester. Pour le public à bas seuil auquel nous nous adressons, rompre l’isolement social et passer de la passivité à l’activité représente déjà un très gros effort ». Une grande sensibilité artistiqueArtiste, art thérapeute, Laurence Mc Kenzie a commencé seule l’aventure, dans l’ancienne école de chimie. C’était en 1995, et L’Eveil n’ouvrait alors que quelques heures par semaine. Désormais, Laurence Mc Kenzie travaille avec une collègue et deux animateurs en expression créatrice. Autant dire que l’offre s’est largement étoffée : peinture bien sûr, mais aussi sculpture sur tout type de support, calligraphie, modelage, collage, etc. « Nous proposons une large palette, de la libre créativité jusqu’à l’art thérapie proprement dit qui, loin de tout esthétisme, utilise l’image pour connecter les émotions et se reconstruire symboliquement ». Cela donne des oeuvres très, trop personnelles pour être montrées au public.

De manière générale, la performance artistique ne représente pas la finalité première de L’Eveil. « Ce qui n’empêche pas certains usagers de montrer de grandes potentialités artistiques. De manière générale, la population toxico dépendante fait preuve d’une grande sensibilité, d’une conscience accrue du tragique de la vie. Cela se retrouve lorsqu’elle se met à créer, même si les gens ne disposent souvent pas de la moindre formation », explique l’un des animateurs, Yohan Vermeylen. Subvention communale menacée ?A travers la qualité des oeuvres exposées, L’Eveil veut témoigner du sens et de l’efficacité de son action, rendre visible la capacité régénératrice de la démarche artistique. Il s’agit aussi d’interpeller le public sur son avenir, les restrictions budgétaires à l’ordre du jour menaçant l’existence même de l’atelier. « Lorsque nous avons commencé, nous entrions en parfaite concordance avec la politique des quatre piliers (prévention, aide à la survie, thérapie, répression), souligne Laurence Mc Kenzie. Aujourd’hui, en matière de population à seuil bas, la Ville semble vouloir limiter son aide aux organismes qui s’attachent à la survie, en se focalisant sur l’aspect matériel des choses ».

Un peu tôt pour tirer cette conclusion, répond en substance Philippe Mestre, secrétaire général du Service communal de la Sécurité et de l’Environnement. « Pour l’heure, la Municipalité doit mettre les choses à plat et étudier différentes pistes. Le projet concernant la réorganisation du dispositif à bas seuil n’est pas encore finalisé ». Seuls ont été définis trois objectifs généraux que devrait englober la future politique sociale de la Ville : garantir les besoins élémentaires, permettre la diffusion de connaissances propres à la réinsertion et susceptibles de faciliter la compréhension de l’environnement social. Reste que la volonté d’économies existe ici comme ailleurs. « Mais rien n’est fait, précise encore Philippe Mestre. Et pour 2006, la subvention de L’Eveil est assurée à l’identique ». UTILE

Exposition « dix ans d’Eveil », Forum de L’Hôtel de Ville de Lausanne, du 13 au 29 octobre 2005