Requérants d’asile déboutés par l’Etat de Vaud : un long calvaire

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Requérants d’asile déboutés par l’Etat de Vaud : un long calvaire

21 novembre 2005
Qu’ils soient encore en Suisse, en sursis quotidien, ou repartis de gré ou de force, les requérants d’asile déboutés affrontent une même réalité : où qu’ils soient, ils ne sont pas les bienvenus
Pire, ils se sentent tels des parias. Dénuement, précarité, harcèlement, l’errance et sa cohorte de souffrances ne leur laissent aucun répit. Après deux mois d’accompagnement, les parrains et marraines d’une soixantaine de familles déboutées par l’Etat de Vaud témoignent de ce qu’ils ont pu observer et clament leur indignation. Ils invitent les citoyens à se mobiliser contre les agissements d’une administration « sourde et aveugle ». " Je n’ai pas encore entendu un seul témoignage d’une personne heureuse de la situation qu’elle vit », résume l’un des parrains qui s’est engagé aux côtés des requérants déboutés. Depuis la fin de l’été, une bonne soixantaine de familles dont la demande d’asile a été rejetée sont suivies par des accompagnateurs . Cet encadrement est non seulement une aide précieuse pour faire face aux tracasseries administratives, mais également un appui moral pour tenir le coup car la pression, voire le harcèlement de l’Etat vaudois ne faiblit pas. La mise sur pied de ce partenariat est issue de négociations intervenues entre les partis politiques, les Eglises et des membres du Conseil d’Etat vaudois au lendemain de la polémique de l’année dernière sur le renvoi de 523 personnes.

Cet encadrement est régi par une charte qui définit les droits et les devoirs de chacun ; l’Etat vaudois est cosignataire mais ne transige pas sur les mesures du dossier sur l’asile. « On a pris un risque en étant parrain, souligne le Père Jean-Pierre Barbey, médiateur Eglises-Réfugiés. Cependant, l’Etat a aussi pris un risque en acceptant qu’il y ait des témoins ». Précisément, c’est bien pour parler de ce qu’ils ont vu et vécu aux côtés de leurs protégés durant ces deux derniers mois, que les parrains et marraines ont décidé de parler et d’agir en invitant les citoyens à manifester concrètement leur soutien à la cause par le biais d’un parrainage.

Menaces d’arrestation et de recours aux contraintes, interdiction de travailler pour les femmes : le climat psychologique induit par les intimidations de l’Etat n’est pas sans conséquences sur la santé des personnes potentiellement condamnées au renvoi. « La 29 août dernier, Mme H. était en larmes, rapporte un parrain, la prolongation qu’elle venait de recevoir n’était établie que jusqu’au 2 septembre. Ce jour-là, un nouveau délai fut accordé au 5 octobre, puis qu 19 octobre, puis le 16 novembre. Le même jour, l’ultime recours de la famille est rejeté. Le père doit être hospitalisé à l’hôpital psychiatrique de Cery ».

Le sort des requérants repartis de gré ou de force dans leur pays n’est pas moins problématique. Selon de multiples témoignages, non seulement ils ont à affronter l’hostilité locale – on parle d’eux en termes de « retournés » - , mais de surcroît ils ne retrouvent pas de travail, pas de gîte, pas de médicaments et sont contraints de payer pour le plus élémentaire des services, alors qu’ils sont la plupart du temps sans argent.

Témoignage d’une marraine : « Une famille retournée en Bosnie vit dans un deux-pièces dans une maison inachevée, sans fenêtre ni porte, ni cuisine, ni toilettes, avec deux enfants en bas âge. Pas d’eau courante ni électricité. La maman se rend chez la voisine pour cuisiner. Il faut sortir pour aller aux toilettes. Le père est malade et n’a plus de médicaments ». Le tort de cette famille est d’avoir refusé de quitter la Suisse à la date qui lui était donnée. A la lettre qui lui a été adressée par des parrains, le conseiller d’Etat Jean-Claude Mermoud a répondu que les intéressés, n’ayant pas donné suite à cette obligation, les intéressés se sont malheureusement privés de la possibilité d’être appuyés dans leurs démarches administratives et de recherche d’emploi par l’Organisation internationale des migrations, à leur arrivée à Sarajevo ».

Pour le pasteur Marc Subilia de Renens, parrain d’une famille, il faut à tout prix éviter le scandale de renvoyer des personnes sur les lieux mêmes où elles ont atrocement souffert. « Il convient d’assurer une protection aux plus démunis et aux plus menacés. Il faut s’écarter du discours réglementaire qui admet le renvoi de gens intégrés comme s’ils étaient des criminels, et ne pas leur infliger un traitement inhumain dégradant ».

Les parrains et marraines invitent chaque citoyen à venir grossir les rangs du groupe en apportant un soutien à la cause et en acceptant un parrainage. Une adresse : pointappui@eglisemigrationvd.com ou 021/312 49 00