Conférence de presse de Pain pour le Prochain et Action de Carême cet après-midi à Genève:"Nos ordinateurs font écran à l'exploitation des jeunes ouvrières asiatiques."

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Conférence de presse de Pain pour le Prochain et Action de Carême cet après-midi à Genève:"Nos ordinateurs font écran à l'exploitation des jeunes ouvrières asiatiques."

27 février 2007
C’est à un quasi esclavage de jeunes travailleuses, souvent encore des gamines, que l’on doit l’assemblage et les prix compétitifs de nos ordinateurs
Frêle mais déterminée, Jenny Chang, 31 ans, coordinatrice à Hong Kong de l’organisation non gouvernementale SACOM, a expliqué hier à Genève, lors du lancement de la campagne de "Pain Pour le Prochain" et d’"Action de Carême" sur le thème « L’’être humain n’est pas une marchandise », la réalité qu’elle a vue de tout près en séjournant clandestinement pendant un mois dans une usine de Shenzhen City. Elle appelle à la solidarité des consommateurs occidentaux avec ces travailleuses migrantes exploitées et renvoyées dans leur campagne à 25 ans, quand elles sont jugées moins performantes. Parmi les cinq principales marques d’ordinateurs vendues en Suisse, aucune ne peut garantir aujourd'hui que ses produits sont fabriqués dans le respect des droits les plus élémentaires du travail. C’est ce qui ressort de l’enquête commandée par Pain pour le Prochain et Action de Carême. Si certaines entreprises ont certes adopté un code de conduite, l’Electronic Industry Code of Conduct (EICC), son contenu et sa mise en œuvre demeurent lettre morte sur le terrain.

Les grandes marques, Hewlett Packard, Dell, Acer, Apple et Fujitsu Siemens profitent du contexte mondialisé pour négliger leur responsabilité sociale, faisant fabriquer les composants de leurs ordinateurs dans des usines de sous-traitance dispersées en Chine, en Thaïlande et aux Philippines, qui ne respectent pas les droits les plus élémentaires du travail. On y impose des horaires déments pour les ouvrières, des heures supplémentaires obligatoires, on y exerce une pression et des retenues sur les salaires pour le moindre prétexte, on se soucie comme de colin-tampon de la sécurité et de l’exposition des travailleuses à des composants toxiques ; on y ignore les contrats de travail et les assurances pour les employés. On y emploie des enfants de moins de 16 ans, qui doivent fournir une heure et demie de travail supplémentaire non payée, sous prétexte que leur productivité est plus faible que la normale. Tout cela, Jenny Chang, sociologue de formation, coordinatrice de l’organisation non gouvernementale SACOM (Students & Scholars Corporate Misbehavior) l’a vu de ses propres yeux. Elle s’est introduite clandestinement dans une entreprise de la province de Guangdong au sud de la Chine, y a vécu un mois, le temps de recueillir le témoignage des ouvrières et de mesurer leur immense ignorance de leurs droits, ce qui les livre pieds et poings liés à leur employeur, et de réaliser leur détresse.

Arrivées de leur province rurale très jeunes, perdues dans un environnement dont elles ignorent tout, sans aucun repère, elles travaillent et vivent dans les usines qui les emploient, car elles ne peuvent pas s’installer dans une agglomération proche car elles sont considérées comme des migrantes illégales. « Il y a un véritable mur invisible entre la population rurale déplacée et les citadins, explique Jenny Chan, on estime officiellement à plus de 40 millions les jeunes travailleurs migrants employés dans les usines d’habillement, d’électronique et de jouets, concentrées dans les provinces du littoral chinois. En réalité, ce chiffre est bien plus élevé. La Chine en plein développement économique déplace des populations entières. Sa prodigieuse ascension économique se fait sur le dos des jeunes travailleuses qui paient le prix fort ».

Jenny Chang a également été interrogé des ouvriers et des ouvrières, victimes d’accidents du travail, - doigts coupés, intoxications, toux, brûlures à l’acide nitrique, dommages irréversibles aux yeux, provoqués par l’utilisation d’acide sulfurique - dans les hôpitaux de la région.

Derrière son sourire enthousiaste, la jeune femme cache une formidable énergie qu’elle met au service des jeunes travailleurs sans voix et sans droits. Elle a participé activement à l’étude exclusive mandatée par les œuvres d'entraide Pain Pour le Prochain et Action de Carême et veurt absolument faire connaître cette réalité dont elle a été le témoin aux consommateurs, non pour qu’ils boycottent les produits, mais qu’ils fassent pression sur les entreprises pointées du doigt et incitent une compétition entre elles dans le domaine de l’éthique. Les deux œuvres d’entraide suisses qui ont fait venir Jenny Chang en Europe, invitent les utilisateurs d’ordinateurs à envoyer des messages sur des cartes postales aux firmes concernées, afin que celles-ci reconnaissent leurs responsabilités auprès de leurs sous-traitants et corrigent le tir. Dans la foulée, Pain Pour le Prochain et Action de Carême veulent encourager la formation des travailleuses à leurs droits afin qu’elles puissent s’organiser pour les faire valoir.