Dire Pâques avec les mots d’aujourd’hui :« Pâques, c’est, en dépit de la mort, le courage d’avoir confiance et de se tenir debout »
2 avril 2007
On sait que personne, dans les récits des Evangiles, n’est témoin de l’événement de la résurrection : au sortir du tombeau, ni fonctionnaire du sacré, ni officier prêt à cocher la case «ressuscité» sur un formulaire d’état civil, ni journaliste
La résurrection a lieu dans l’incognito de l’aube. L’e message de Pâques expliqué avec des mots d’aujourd’hui par Michel Grandjean, professeur à la Faculté de théologie de Genève.On sait que les premières à avoir fait l’expérience du Christ ressuscité, ce sont des femmes. Aucune n’a assisté à la sortie du tombeau, mais toutes ont été saisies par la rencontre d’une personne vivante. Et ç’a été comme si elles découvraient soudain (au-dedans d’elles? en face d’elles? autour d’elles?) une terrifiante force de vie: «Elles étaient toutes tremblantes et bouleversées, dit l’évangile de Marc, et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur».
La rencontre du ressuscité, d’autres allaient la faire à leur tour au fil des jours et des générations. Il faudra d’ailleurs un certain temps pour rendre compte, avec des mots humains, de l’expérience de Pâques. En d’autres termes, il faudra du temps pour qu’entrent en scène les théologiens, à commencer par l’apôtre Paul qui s’efforce de mettre par écrit, dans son langage, l’événement de Pâques: «Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification.» Mots puissants que ceux de l’épître aux Romains, qui allaient féconder toute la réflexion chrétienne, mots puissants par lesquels Paul tentait de dire que Dieu vient à nous avant que nous puissions seulement envisager de faire le moindre pas vers lui. Que Dieu nous donne la vie et la justice avant que nous ayons mérité quoi que ce soit pour les obtenir.
Et pourtant, quels pauvres mots que ces mots d’homme! On a le droit de penser que les femmes de l’Evangile de Marc n’auraient pas vraiment été apaisées dans leur trouble existentiel du matin de Pâques si on s’était avisé de leur expliquer à la manière de Paul le sens de l’expérience intime qu’elles étaient en train de vivre…
Mais alors, comment dire l’expérience de Pâques avec des mots d’aujourd’hui? Comment exprimer le saisissement des femmes sans se contenter de ressasser la terminologie grandiose de la grâce ou de la justification, qui a connu ses siècles de gloire mais qui ne parle plus vraiment aujourd’hui? C’est précisément tout le défi de la théologie.L’apport de Paul TillichA cet égard, l’une des tentatives de renouvellement les plus fructueuses du siècle dernier aura peut-être été celle de Paul Tillich. Dieu, écrivait Tillich, nous donne le courage d’être. C’est-à-dire le courage d’être accepté par Dieu et par les autres, en dépit du fait que nous ne sommes pas acceptables. Le courage d’accepter le pardon, de dépasser l’angoisse de la culpabilité. Le courage de se respecter soi-même parce qu’un autre nous confère cette inaliénable valeur que la mort même ne peut nous dérober. Le courage d’être soi-même dans le monde et d’oser la générosité parce qu’on a déjà tout reçu. Le courage d’aimer parce qu’on est aimé.
Pâques n’a rien à voir avec un spectacle magique, avec un de ces tours de passe-passe qui éblouissent aujourd’hui les foules mais qui seront oubliés demain. Pâques, bien plus profondément, c’est – en dépit de la mort – le courage d’avoir confiance et de se tenir debout. Courage gratuitement donné. Le mot qu’on utilise en grec pour dire grâce (charis) est un très proche parent de celui qui signifie joie (chara). Comment mieux dire que le courage d’être, donné à Pâques, a quelque chose à voir avec la joie parfaite?
La rencontre du ressuscité, d’autres allaient la faire à leur tour au fil des jours et des générations. Il faudra d’ailleurs un certain temps pour rendre compte, avec des mots humains, de l’expérience de Pâques. En d’autres termes, il faudra du temps pour qu’entrent en scène les théologiens, à commencer par l’apôtre Paul qui s’efforce de mettre par écrit, dans son langage, l’événement de Pâques: «Jésus notre Seigneur, livré pour nos fautes et ressuscité pour notre justification.» Mots puissants que ceux de l’épître aux Romains, qui allaient féconder toute la réflexion chrétienne, mots puissants par lesquels Paul tentait de dire que Dieu vient à nous avant que nous puissions seulement envisager de faire le moindre pas vers lui. Que Dieu nous donne la vie et la justice avant que nous ayons mérité quoi que ce soit pour les obtenir.
Et pourtant, quels pauvres mots que ces mots d’homme! On a le droit de penser que les femmes de l’Evangile de Marc n’auraient pas vraiment été apaisées dans leur trouble existentiel du matin de Pâques si on s’était avisé de leur expliquer à la manière de Paul le sens de l’expérience intime qu’elles étaient en train de vivre…
Mais alors, comment dire l’expérience de Pâques avec des mots d’aujourd’hui? Comment exprimer le saisissement des femmes sans se contenter de ressasser la terminologie grandiose de la grâce ou de la justification, qui a connu ses siècles de gloire mais qui ne parle plus vraiment aujourd’hui? C’est précisément tout le défi de la théologie.L’apport de Paul TillichA cet égard, l’une des tentatives de renouvellement les plus fructueuses du siècle dernier aura peut-être été celle de Paul Tillich. Dieu, écrivait Tillich, nous donne le courage d’être. C’est-à-dire le courage d’être accepté par Dieu et par les autres, en dépit du fait que nous ne sommes pas acceptables. Le courage d’accepter le pardon, de dépasser l’angoisse de la culpabilité. Le courage de se respecter soi-même parce qu’un autre nous confère cette inaliénable valeur que la mort même ne peut nous dérober. Le courage d’être soi-même dans le monde et d’oser la générosité parce qu’on a déjà tout reçu. Le courage d’aimer parce qu’on est aimé.
Pâques n’a rien à voir avec un spectacle magique, avec un de ces tours de passe-passe qui éblouissent aujourd’hui les foules mais qui seront oubliés demain. Pâques, bien plus profondément, c’est – en dépit de la mort – le courage d’avoir confiance et de se tenir debout. Courage gratuitement donné. Le mot qu’on utilise en grec pour dire grâce (charis) est un très proche parent de celui qui signifie joie (chara). Comment mieux dire que le courage d’être, donné à Pâques, a quelque chose à voir avec la joie parfaite?