La Fondation culturelle islamique objet d’une lacune de surveillance ? L’avocat des licenciés de la Mosquée de Genève le redoute
12 avril 2007
La Fondation culturelle islamique qui dirige, dans le quartier du Petit-Saconnex, un complexe composé de la plus grande mosquée de Suisse romande, d’une école et d’un centre culturel, n’est pas surveillée par le service genevois de surveillance des fondations, ni par la surveillance fédérale des fondations
Pour l’avocat des quatre licenciés de la Mosquée, Me Jean-Bernard Waeber, « il est fort possible que cette Fondation ait été victime d’une lacune de surveillance », et ce depuis près de trente ans.La Fondation culturelle islamique n’en a pas fini avec les ennuis. Le premier jour de l’entrée en fonction du nouveau directeur général de la mosquée, Fathy Neamat-Allah, le 28 mars dernier, celui-ci avise quatre personnes de leur licenciement : Hafid Ouardiri, le médiatique porte-parole de la mosquée ; le secrétaire général de la mosquée ; le directeur de son école Mahmoud Fadl, ainsi qu’un enseignant spécialisé dans l’instruction de l’arabe aux personnes dont ce n’est pas la langue maternelle. Ils ont droit à trois mois de délai de congé, mais doivent vider les lieux sur-le-champ, dans des conditions plutôt infâmantes : un ouvrier reçoit l’ordre de changer les serrures. Ces licenciements, motivés officiellement par des raisons économiques, semblent de plus en plus pouvoir être contestés comme licenciements abusifs, puisque c’est la personnalité ouverte au dialogue avec l’Occident des personnes congédiées qui fait problème. Leur avocat est désormais le spécialiste du droit du travail Me Jean-Bernard Waeber. Pour lui, « Il ne s’agit pas de conflit de personnes, mais de ligne politique et d’orientation, entre d’un côté un islam ouvert à la société suisse et de l’autre un islam rigoureux, d’inspiration wahhabite. Un précédent candidat au poste de directeur s’était heurté à une demande d’information de la part de la Confédération, mais avait sans doute reçu les mêmes instructions » visant à une reprise en main de la part de l’Arabie saoudite, où est basée la Ligue islamique mondiale, bailleur de fonds de la Fondation.
Pour l'heure, Me Waeber tente encore de régler le conflit à l'amiable: "J'ai adressé une lettre au Conseil de fondation pour permettre à l'organe suprême de la Fondation culturelle islamique de dire s'il est d'accord avec la procédure suivie lors de ces congés. Un Conseil de fondation doit diriger" et non se voir imposer des décisions. La lettre aux membres du Conseil est partie ce mardi. "Je prendrai par la suite la décision d'agir aux prud'hommes, selon la réaction des membres du Conseil".
Le conflit fait aussi apparaître une situation pour le moins curieuse. Depuis sa fondation en 1978, la Fondation culturelle islamique n’a jamais été soumise à surveillance de la Confédération, du canton ou de la commune, comme le prescrit l’art. 84 I du Code civil. La surveillance fédérale des fondations d’intérêt public est observée par le secrétariat général du Département fédéral de l’Intérieur, lorsque leur but a une portée nationale. Cependant, contrairement au centre islamique de Berne et à la communauté islamique de Zurich, la Fondation culturelle islamique n’est pas surveillée par la Confédération, nous a confirmé Andrea Arcidiacono, porte-parole du DFI. Une employée du service genevois de surveillance des fondations de droit privé nous a confié ne pas avoir la Fondation culturelle islamique sous sa surveillance, un fait confirmé l’après-midi même à Me Waeber. Quant au Règlement genevois relatif à la surveillance des fondations de droit civil, il précise que le service cantonal de surveillance des fondations et institutions de prévoyance « est l’autorité de surveillance au sens de l’art. 84 du Code civil » sans réserver de compétences communales pour la Ville de Genève, dont dépend le quartier du Petit-Saconnex. Cette possibilité est d’ailleurs garantie par le nouvel article 84 bis de la loi fédérale sur les fondations, en vigueur depuis janvier 2006.
Que s’est-il donc passé ? Selon un témoin, à l’époque, on a considéré que la Fondation culturelle islamique répondait à la définition de fondation ecclésiastique ; or de telles fondations, selon l’article 87 du Code civil, ne sont pas soumises au contrôle de l’autorité de surveillance et, en outre, sont déliées de l’obligation de désigner un organe de révision. « Cependant, la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire. Une fondation ecclésiastique doit avoir un but religieux exclusif. Dès lors qu’elle a une activité sociale, comme c’est le cas de la Mosquée de Genève qui gère une école et un centre culturel, cet article ne lui est pas applicable », souligne Me Waeber. Dès lors, « il semble bien qu’on soit en présence d’une carence de surveillance », et ce depuis près de trente ans. Cela signifie concrètement que personne n’a pu fixer un délai à la Fondation pour se conformer aux dispositions légales, vérifier si la majorité des membres du Conseil de fondation étaient domiciliés en Suisse, ni veiller à ce que l’utilisation de ses fonds soient administrés conformément au droit fédéral et cantonal, aux dispositions de ses statuts, règlements et règles d’une prudente gestion, comme le prescrit le règlement genevois. « Tant que les choses allaient bien, on ne s’en souciait pas », conclut notre témoin.
Pour l'heure, Me Waeber tente encore de régler le conflit à l'amiable: "J'ai adressé une lettre au Conseil de fondation pour permettre à l'organe suprême de la Fondation culturelle islamique de dire s'il est d'accord avec la procédure suivie lors de ces congés. Un Conseil de fondation doit diriger" et non se voir imposer des décisions. La lettre aux membres du Conseil est partie ce mardi. "Je prendrai par la suite la décision d'agir aux prud'hommes, selon la réaction des membres du Conseil".
Le conflit fait aussi apparaître une situation pour le moins curieuse. Depuis sa fondation en 1978, la Fondation culturelle islamique n’a jamais été soumise à surveillance de la Confédération, du canton ou de la commune, comme le prescrit l’art. 84 I du Code civil. La surveillance fédérale des fondations d’intérêt public est observée par le secrétariat général du Département fédéral de l’Intérieur, lorsque leur but a une portée nationale. Cependant, contrairement au centre islamique de Berne et à la communauté islamique de Zurich, la Fondation culturelle islamique n’est pas surveillée par la Confédération, nous a confirmé Andrea Arcidiacono, porte-parole du DFI. Une employée du service genevois de surveillance des fondations de droit privé nous a confié ne pas avoir la Fondation culturelle islamique sous sa surveillance, un fait confirmé l’après-midi même à Me Waeber. Quant au Règlement genevois relatif à la surveillance des fondations de droit civil, il précise que le service cantonal de surveillance des fondations et institutions de prévoyance « est l’autorité de surveillance au sens de l’art. 84 du Code civil » sans réserver de compétences communales pour la Ville de Genève, dont dépend le quartier du Petit-Saconnex. Cette possibilité est d’ailleurs garantie par le nouvel article 84 bis de la loi fédérale sur les fondations, en vigueur depuis janvier 2006.
Que s’est-il donc passé ? Selon un témoin, à l’époque, on a considéré que la Fondation culturelle islamique répondait à la définition de fondation ecclésiastique ; or de telles fondations, selon l’article 87 du Code civil, ne sont pas soumises au contrôle de l’autorité de surveillance et, en outre, sont déliées de l’obligation de désigner un organe de révision. « Cependant, la jurisprudence du Tribunal fédéral est claire. Une fondation ecclésiastique doit avoir un but religieux exclusif. Dès lors qu’elle a une activité sociale, comme c’est le cas de la Mosquée de Genève qui gère une école et un centre culturel, cet article ne lui est pas applicable », souligne Me Waeber. Dès lors, « il semble bien qu’on soit en présence d’une carence de surveillance », et ce depuis près de trente ans. Cela signifie concrètement que personne n’a pu fixer un délai à la Fondation pour se conformer aux dispositions légales, vérifier si la majorité des membres du Conseil de fondation étaient domiciliés en Suisse, ni veiller à ce que l’utilisation de ses fonds soient administrés conformément au droit fédéral et cantonal, aux dispositions de ses statuts, règlements et règles d’une prudente gestion, comme le prescrit le règlement genevois. « Tant que les choses allaient bien, on ne s’en souciait pas », conclut notre témoin.