Raconter la Bible aux enfants sans vouloir en expliquer les bizarreries
6 août 2007
Comment dire Dieu à des enfants ? En leur racontant des histoires tirées de la Bible, sans chercher à les expliquer, répond Maurice Baumann, professeur des sciences de l’éducation et de catéchétique à la Faculté de théologie de Berne
« Les meilleurs catéchètes sont souvent les incroyants et tous ceux qui se posent constamment des questions, loin des certitudes et de la Vérité définitive ». Le 15 septembre prochain, il animera un séminaire sur le sujet au Centre de Sornetan.Il ne faut pas tout expliquer aux enfants et surtout pas argumenter, c’est le moyen le plus sûr d’en faire des athées à quinze ans ». De sa maison à l’orée de la forêt, à flanc de coteau au-dessus de St-Imier, Maurice Baumann, qui a contribué à repenser le catéchisme pour l’Eglise Berne-Jura-Soleure il y a une dizaine d’années, parle avec une simplicité déroutante de la transmission, non pas de la foi, qui ne peut se transmettre, mais de notre culture chrétienne. Un casse-tête pour bien des parents qui ne savent pas comment s’y prendre dans une société qui est en train de perdre ses racines religieuses et voit du prosélytisme dans la moindre approche d’un texte biblique. On peut raconter aux enfants des récits tirés de la Bible comme on leur raconte des histoire le soir au coucher ? Exactement. Il ne faut pas forcément leur donner le sens second de l’histoire qu’on leur raconte. On peut profiter de la visite de certains lieux, une église, un cimetière, ce dernier endroit passionnant souvent les gosses, pour aborder certaines questions, comme la mort par exemple, mais en restant toujours dans le registre narratif. Car les enfants construisent la réalité, qui est extérieure à eux, au moyen d’histoires. Ils ne comprennent pas encore le langage symbolique. L’intériorité ne les intéresse pas encore. La découverte qu’ils ont une histoire qui leur est propre ne surgit qu’à l’adolescence. On peut aussi leur dire Dieu à travers des images. Vous pouvez parfaitement faire dessiner Dieu à un enfant, il le dessinera. Ca ne lui pose aucun problème. A quel âge, les histoires ne suffisent-elles plus à l’enfant ?Avant neuf ans, l’histoire qu’on leur a racontée est exacte. Ma maman ou la maîtresse l’a dit, alors c’est juste ! Autour de dix ans, l’enfant commence à se poser des questions et à se dire que de telles bizarreries ne sont pas possibles. Il entre dans la phase critique. « Comment Jésus fait-il pour marcher sur les eaux ? », se demande-t-il. Il faut encourager cette recherche critique, conforter ses interrogations, l’aider à formuler ses questions et ne pas lui donner des réponses dogmatiques qui ferment toute réflexion et tout dialogue. Pas question par exemple de lui dire que tout est vrai dans la Bible. Si l’on s’obstine à faire croire à toutes les bizarreries qu’il a relevées dans la Bible, c’est irrémédiablement le faire décrocher, lui donner de bonnes raisons de se détourner de l’Eglise et de son enseignement. Il est nécessaire au contraire de lui faire comprendre que le langage biblique est de nature poétique et qu’il a deux dimensions.Comment aborder les invraisemblances qui lui sautent désormais aux yeux ?On peut se demander avec lui si tel récit de la Bible ne parle pas d’une réalité différente qui concernerait plutôt la vie intérieure. Il est important de l’accompagner dans sa découverte du langage poétique et symbolique de la Bible. Quand le poète dit que « La terre est bleue comme une orange » (Eluard), personne ne pense à dire que c’est une stupidité, puisqu’on sait qu’on est dans le registre de la poésie. Il en va de même avec les textes bibliques. Il faut aider les jeunes à découvrir que les textes sont vrais autrement, qu’il y a mille façons différentes de parler de l’expérience religieuse, comme il y a autant de façons de décrire l’expérience amoureuse qu’il y a d’individus.En quoi la Bible peut-elle aider le jeune ?S’il comprend qu’elle parle de sa vie à lui, de sa relation aux autres et à Dieu, qu’elle n’est pas la norme ni la Vérité absolue, elle peut véritablement l’accompagner dans son cheminement. Il peut en faire une partenaire de méditation et s’y confronter. Quand il se met à réaliser qu’il est responsable de sa propre vie et qu’il est mortel, la Bible peut l’aider à découvrir des convictions et des valeurs qui l’aident à structurer sa vie. Elle peut l’aider à dire son désarroi, à comprendre ce qui lui arrive.La foi est-elle transmissible comme un savoir ?La spiritualité est une quête personnelle. L’Eglise n’a pas toujours réussi à transmettre cet aspect de recherche personnelle de la foi, cette ouverture. Elle a trop souvent voulu donner un statut de réalité objective aux textes bibliques. Or le christianisme est une hypothèse de vie, pas une vérité dogmatique. Le considérer comme la vérité absolue a conduit à toutes sortes de dérives, des Croisades au colonialisme, en passant par l’Inquisition.