Jacques Matthey, nouveau directeur de programme au Conseil Œcuménique des Eglises à Genève: « Le protestantisme réformé doit faire sa révolution culturelle

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Jacques Matthey, nouveau directeur de programme au Conseil Œcuménique des Eglises à Genève: « Le protestantisme réformé doit faire sa révolution culturelle

27 août 2007
Le théologien romand Jacques Matthey est depuis peu l’un des sept directeurs de programme auprès du Conseil Œcuménique des Eglises (COE), en charge de la théologie de la mission
Au cours de sa carrière, il a appris à bousculer sa façon de penser, qui s’est enrichie au contact des autres Eglises du monde. Il prône l’ouverture aux émotions, une meilleure prise en compte de la nécessité de rituels et de gestes qui favorisent le sentiment d’appartenance à la communauté chrétienne.« Les gens n’ont pas besoin de savantes constructions intellectuelles pour nourrir leur sentiment religieux et l’enraciner dans la Bible. Nous avons cru l’homme occidental devenu areligieux, ce n’est plus vrai ! ». Jacques Matthey, nommé récemment directeur au Conseil Œcuménique des Eglises, en charge du programme « Unité, mission, évangélisation et spiritualité », fait remarquer que la déchristianisation que l’on observe en Europe est un phénomène qui lui est propre : « En Afrique, en Asie et en Amérique latine, le christianisme est au contraire en pleine expansion et la ferveur y est littéralement enthousiasmante ! ».

C’est dans le cadre de sa participation à la formation des envoyés du Département Echange et Mission, où il a travaillé pendant dix-huit ans, que le théologien, désormais installé à Genève, a réalisé la dimension symbolique et émotionnelle de la religion dans les pays du Sud. Il estime que le protestantisme devrait mieux intégrer les différentes composantes de la personne humaine.

« La manière dont on comprend l’Eglise est fortement liée à la façon qu’elle a d’accueillir les personnes, de tenir compte de leurs besoins et de leurs aspirations, de répondre à leurs attentes avec un message adapté, qui les aide dans leur relation à Dieu et ne mette pas des obstacles supplémentaires entre eux et l’Evangile ». Dans cette perspective, Jacques Matthey souhaite que l’Eglise protestante fasse un meilleur usage du rituel et se libère d’une crainte exagérée de ce qui touche à l’émotion ; s’ouvrir aux expériences concluantes des autres Eglises du monde devient une nécessité. « Elle doit encourager ce qui peut développer le sentiment d’appartenance à une communauté religieuse, en faisant notamment une place au silence, à la beauté et à la musique ». Il cite volontiers un rituel orthodoxe extraordinairement parlant : durant la liturgie, lors de la première entrée de la Bible, portée dans l’église de façon solennelle, tout le monde se lève. Un rite qui rappelle de façon claire l’importance de la Parole de Dieu.

Faut-il pour autant que les réformés suivent par exemple ce qui fait recette chez les chrétiens charismatiques ? Jacques Matthey avoue avoir découvert le monde pentecôtiste au cours de ses pérégrinations à travers le monde. « J’avais à son égard une attitude plutôt réservée. Mais il m’apparaît aujourd’hui qu’on a intérêt à un dialogue théologique sérieux avec les pentecôtistes et que l’on peut tout à fait s’inspirer de certaines des pratiques charismatiques, d’ailleurs attestées dans la Bible, pour initier le renouveau de la spiritualité en Occident. A vouloir toujours prévenir des excès, en l’occurrence ceux que l’on pense discerner chez les autres, les évangéliques par exemple, on tombe dans l’excès contraire, à savoir une austérité un peu sèche et rébarbative. Il suffit d’ailleurs de revisiter les richesses de la tradition chrétienne en général et protestante en particulier et nous rappeler le piétisme et les mouvements de Réveil. Mais il faut le faire avec discernement. Il nous faut trouver un juste équilibre entre ce qui fait la force du protestantisme et les ressources que d’autres Eglises mettent à notre disposition et ne pas se focaliser sur les obstacles théologiques qui nuisent à l’unité des chrétiens, mais travailler à comprendre et à dépasser les divisions ».