Les socialistes chrétiens revendiquent une double appartenance et défient volontiers le "politiquement correct"

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Les socialistes chrétiens revendiquent une double appartenance et défient volontiers le "politiquement correct"

11 février 2008
Ils sont socialistes et chrétiens, ou, comme ils aiment à le préciser, socialistes parce que chrétiens
Pour eux, le socialisme sans la foi et la foi sans engagement social sont des engagements creux. Leur double appartenance n’a pas toujours été bien perçue, ni pour la gauche, volontiers anticléricale, ni pour les Eglises, souvent conservatrices. Mais pas question pour eux de rallier un parti politique confessionnel. Portrait à Vevey de Jean-François Martin, , secrétaire de la Fédération romande des socialistes chrétiens.Jean-François Martin sait qu’il passe pour un « drôle d’oiseau » aux yeux de certains, aussi bien dans les milieux socialistes, souvent athées et qui craignent une tentative de récupération par les chrétiens, que dans les milieux d’Eglise, plutôt méfiants à l’égard des mouvements progressistes. Il n’en a cure. Elevé dans une famille de militants socialistes et syndicalistes d’Yverdon, - son père était ouvrier, sa mère vendeuse -, il a l’habitude depuis tout petit des débats d’idées parfois houleux et d’un solide engagement social . Il enseigne le catéchisme, tout en se sentant profondément attaché au parti socialiste.

Lors de ses études de théologie à l’Université de Lausanne dans les années 70, il assiste aux controverses passionnées des étudiants en théologie, à l’époque de l’effervescence des mouvements gauchistes. Il choisit de s’orienter vers l’enseignement, dont il a tâté lors de remplacements et continue d’assurer le catéchisme dans sa paroisse. Il est aujourd’hui doyen à l’Ecole secondaire de Vevey où il enseigne le français, l’histoire et l’histoire biblique ; il est aussi conseiller communal et secrétaire de la Fédération romande des socialistes chrétiens dont il rédige le bulletin, « L’espoir du monde », qui affiche en gros le logo du Parti socialiste, la fameuse rose au poing, qui paraît quatre fois par an.

« Nous sommes socialistes et volontiers antimilitaristes au nom de la justice pour tous que demande Jésus et des implications sociales qui découlent de l’Evangile. On s’est aperçu que le besoin de justice des socialistes et des chrétiens se recoupe et que nous avons besoin des hommes politiques pour instaurer la justice sur terre. Mais pour nous, elle doit se faire avec tout le monde, athées, chrétiens de toutes tendances et croyants d’autres religions ». C’est au nom de cette ouverture que les socialistes chrétiens ne souhaitent pas adhérer à un parti confessionnel. Une position que ne partage plus Didier Rochat, président de la Fédération romande des socialistes chrétiens, qui a rejoint le Parti évangélique de Neuchâtel, désireux de défendre plus activement les valeurs fondamentales qui sont les siennes et de travailler au respect et à la responsabilisation des individus, des familles et des entreprises ».

Peu encline aux débats théologiques, la Fédération des socialistes chrétiens offre un lieu de rencontre et de réflexion où les chrétiens de gauche de diverses tendances politiques et religieuses peuvent creuser des thèmes éthiques, moraux et philosophiques, en dehors des affaires courantes à traiter. « On ose être politiquement incorrect ! », explique le Jean-François Martin, c’est un de nos points forts. Nous n’avons pas la prétention d’instaurer le Royaume de Dieu sur terre, mais de montrer aux socialistes que pour créer un monde meilleur, il ne suffit pas de changer des structures légales et économiques, d’acquérir le pouvoir d’organiser une économie planifiée, mais qu’il faut aussi changer la mentalité de l’homme, lutter contre son égoïsme, son orgueil, sa soif de domination, le rendre soucieux d’autrui et généreux. Vaste programme résumé dans le Manifeste des socialistes chrétiens romands rédigé en 1969. Les socialistes chrétiens romands, qui ont de la peine à essaimer dans les cantons catholiques, comptent sur leur rencontre annuelle à Yverdon-les-Bains pour dynamiser leurs troupes. Elles ont lieu une fois par an, autour d’un thème d’actualité. Dernière en date, la journée du 4 février passé, a permis aux membres de la Fédération de débattre de l’économie mondialisée avec Marianne Huguenin, syndique (POP) de Renens et Ignacio Ramonet, ancien directeur du Monde Diplomatique.