Fusion des facultés de théologie de Genève, Lausanne et Neuchâtel: le conflit s'envenime
«Ce qui se passe dans un Conseil de Faculté n’est pas public, vous avez des informations que vous ne devriez pas avoir», nous répondait il y a peu Pierre-Yves Brandt, regrettant que des partisans les fassent circuler «pour influencer les décisions à prendre». Aujourd’hui, les professeurs eux-mêmes n’hésitent désormais plus à s’affronter publiquement dans un langage académique peu tendre.
«Voici venu le temps de la rage "athéologique" et d’un laïcisme d’une autre époque», écrit Denis Müller, professeur de théologie, dans l'édition du 12 mars du quotidien Le Temps, faisant allusion aux professeurs de sciences des religions. Et d’affirmer: «L’Université de Lausanne ne se défera pas de la théologie à si bon marché.»
Ce à quoi Silvia Mancini, professeur associée de sciences des religions et partisane du camp visé rétorque le 25 mars dans le même journal: «Nos collègues théologiens s’emploient à affirmer la légitimité de leur «spécialité», mais force est de constater que jusqu’à présent ils ne sont pas parvenus à exposer clairement en quoi la théologie pourrait constituer un champ d’étude et de recherche proprement universitaire…» Même le vice-doyen Jacques Ehrenfreund s’en mêle, soutenant ouvertement la réponse de Silvia Mancini avec quatre autres membres de la Faculté.
Il y a un mois, on évoquait pourtant volontiers une option étudiée: une faculté unique avec un pôle théologie situé à Genève et un pôle sciences des religions à Lausanne. Aujourd’hui, la plus grande prudence est de mise. «Les trois facultés n’arriveront pas à se mettre d’accord, il n’y a même pas de préavis unanime à l’intérieur d’une faculté», estime Pierre-Yves Brandt. Si aucun compromis n’est trouvé «ce seront les rectorats qui trancheront».
Prudemment, le recteur de Lausanne Dominique Arlettaz ne se prononce pas sur le conflit en cours. «Nous avons donné mandat aux trois doyens de Lausanne, de Genève et de Neuchâtel d’examiner les options possibles pour une fusion, pas aux Conseils de Faculté, mais ils sont libres bien sûr de les consulter», explique-t-il. Des décisions devraient se prendre «dans l’année civile en cours», mais il n’y a pas de «délai exact», assure le recteur. Selon nos informations toutefois, les Facultés auraient jusqu’au mois de juin prochain pour présenter leurs options. Suite de quoi, le dossier passera entre les mains des rectorats. «Cette perspective va sans doute pousser les Facultés à trouver un compromis à la dernière minute», espère un professeur, tandis qu’un autre membre de la Faculté se demande comment les collaborations seront encore possibles après la virulence de certains échanges. Dans tous les cas, les rectorats n’ont pas les pleins pouvoirs, modère Dominique Arlettaz: «A Genève, un changement de structure doit passer devant le Grand Conseil, et à Lausanne, devant le Conseil de l’Université.»