La Suisse teste de nouvelles méthodes pour évaluer l’efficacité de l’aide au développement

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La Suisse teste de nouvelles méthodes pour évaluer l’efficacité de l’aide au développement

14 avril 2008
Pour la première fois, la Direction du développement et de la coopération et le SECO publieront en juin un rapport évaluant spécifiquement l’efficacité de l’accès à l’eau potable
Le SECO participera aussi à une enquête quantitative pilote sur trois ans.«Je suis profondément attaché à l'idée d'augmenter l’aide de la Suisse au développement, mais je pense que l’on pourrait consacrer davantage de moyens pour obtenir des évaluations un peu plus crédibles» : le conseiller aux Etats écologiste Luc Recordon s’est intéressé aux nouvelles méthodes permettant d’évaluer l’efficacité de l’aide au développement de manière scientifique. Ces méthodes, dites « randomisées », fonctionnent en attribuant au hasard la population de tout un village ou d’une école à un projet de développement ou à un groupe de contrôle qui en est exclu. Au terme de l’expérience, les enquêteurs ont ainsi la certitude de pouvoir attribuer les changements au seul effet du projet, et non à d’autres facteurs. Basées sur des sondages auprès d’un grand nombre de personnes, ces enquêtes quantitatives permettent aussi d’effectuer des comparaisons précises sur le rapport coût-efficacité des méthodes choisies.

« Ces données chiffrées ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte, il faut aussi évaluer l’effet de ces projets de manière approfondie, par des enquêtes qualitatives. Mais on ne devrait pas renoncer à élever les exigences en termes d’évaluation », poursuit Luc Recordon. Il aimerait faire passer ce message lors de la conférence publique d’Alliance Sud qui réunira des spécialistes suisses et étrangers de l’aide au développement, le 16 mai prochain à Berne.

Dans les faits, seul le Secrétariat d’état à l’économie (SECO) prévoit aujourd’hui de mettre en œuvre une telle étude quantitative sur trois ans, en collaboration avec la Société financière internationale (IFC), l’institution du Groupe de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé. « C’est une étude pilote qui va suivre des entreprises enregistrées auprès de la municipalité et d’autres qui ne le sont pas. Notre hypothèse est que cet enregistrement facilite l’accès des entreprises aux marchés publics et aux crédits, qu’il a un impact positif sur leur chiffre d’affaire et la croissance de l’emploi. L’étude examinera aussi quels autres facteurs influencent la croissance des entreprises après leur formalisation », explique Odile Keller, chef suppléante de la section évaluation et controlling du SECO. Cette étude sera menée au Pérou, à la municipalité de Lima. Elle coûtera 250'000 dollars pour trois ans, un montant élevé cofinancé par le SECO et l’IFC. « L’idée est de mobiliser plus de fonds pour ce type d’études », souligne Odile Keller. Le SECO effectue d’ordinaire des évaluations qualitatives à mi-parcours ou à la fin d’un projet : « on peut en obtenir une très bonne pour moins de 50'000 francs. Les méthodes quantitatives ne sont pas adaptées aux programmes touchant l’ensemble d’une population. En outre, elles posent des problèmes éthiques lorsqu’il s’agit d’exclure un groupe de l’accès à un projet de santé publique », précise-t-elle.

Par ailleurs, la Direction du développement et de la coopération (DDC) et le SECO publieront pour la première fois en juin un rapport évaluant spécifiquement l’efficacité des infrastructures d’eau potable, d’irrigation et d’assainissement. « Axer notre approche sur l’efficacité est un moyen de répondre aux interrogations actuelles du public et d’effectuer des comparaisons, puisque ces études seront faites dans sept pays. Leur coût est comparable à celui des études que nous menons d’ordinaire à la fin des projets, soit tous les trois ans (une seule étude coûtant 25'000 francs) », explique Adrian Maître, collaborateur de la section évaluation et controlling à la DDC. On peut évaluer le coût du rapport à 175'000 francs. Le thème de l’eau s’est imposé car la Suisse connaît depuis longtemps un fort engagement dans ce domaine. En outre, les objectifs de l’ONU pour le millénaire soulignent son importance en matière de santé publique. La méthode du rapport a consisté à interroger les personnes utilisant les infrastructures fournissant de l’eau potable, qu’il s’agisse de la population locale, des communes ou des ministères. « Cette démarche donne en relativement peu de temps une bonne information, même si elle est moins précise que les méthodes quantitatives. Nous voulions savoir si c’était un investissement utile de l’argent public. A priori, le bilan est plutôt positif mais nous avons aussi eu des appréciations critiques, qu’il s’agisse de solutions techniques insuffisamment développées ou de difficultés liées au contexte (dans les Andes, l’organisation des communautés s’est révélée plus favorable que dans d’autres pays). Ces différences doivent encore être analysées pour nous permettre de tirer des conclusions ». De tels rapports, exigeant un important investissement, pourraient être rédigés tous les deux ans.