Film : Wall-e, un robot à la fois leader éthique et figure du salut
21 août 2008
« Aide Wall-e à ranger la planète ». L’injonction s’affiche sur les murs de Suisse Romande et renvoie au site Internet www
helpwalle.ch.Une brochure de conseils est distribuée dans les cinémas romands et les restaurants McDonald’s. Initiée par Disney Suisse, cette campagne est une collaboration avec les collectivités et entreprises de recyclage (alu, verre, PET, textiles, etc.). Partenaires également, les quotidiens gratuits romands publient des visuels, invitant le lecteur à jeter intelligemment son journal, une fois lu. Disney Suisse et les partenaires se disent satisfaits de cette collaboration et de la visibilité donnée au tri des déchets. Pourtant, la réunion de partenaires si variés surprend et suscite quelques questions. Interview à Neuchâtel du théologien Otto Schäfer, chargé d'éthique à la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS).Quel sentiment vous procure cette campagne ?Cette collaboration, qui m’a surpris, montre, je crois, qu’un changement de mentalité est en train de s'opérer dans notre société. Il y a bien sûr un travail sur l'image de marque des entreprises, qui correspond à un mouvement général de recherche de crédibilité. On pourrait avoir un regard sévère, en disant que c'est un système productiviste de libre marché néolibéral, lui-même à l'origine de ces problèmes environnementaux et qui cherche à récupérer la critique pour l'exploiter dans l'industrie du divertissement. Mais cette critique idéologique n’est pas la mienne. Je pense plutôt que c'est un bon signe de voir des partenaires divers s'associer pour lutter contre la pollution. Et je crois que cette collaboration révèle aussi une prise en compte de plus en plus sérieuse de ces questions. Risque-t-on de confondre le message publicitaire avec le message qui invite à prendre conscience de la nécessité du tri des déchets ?Oui, ce risque est réel. Il faudrait voir en fait quel est l'impact du message écologique sur le long terme. Wall-e est à la mode aujourd'hui, mais je ne pense pas qu'il aura une réelle influence au-delà de son succès actuel. A l’avenir, il y aura peut-être d'autres films et d'autres messages.Le théologien que vous êtes est-il interpellé par le contenu du film ?Je constate des parentés intéressantes avec le christianisme. En plus de son nom, le robot Eve est à la fois un œuf et une madone. Et la trame de Wall-e comporte des éléments de l'histoire du salut, avec des motifs de rédemption. Le vaisseau spatial est une évocation de l'arche de Noé, avec une plante en guise du brin d'olivier apporté par la colombe. Il y a aussi une forme de sacrifice chez Wall-e, Eve se comportant d'ailleurs en pietà. Seul le sacrifice permet que cette histoire du salut aboutisse et ouvre sur une nouvelle terre. Il y a une image de résurrection par l'amour. Le philosophe Paul Ricœur disait que l'idéal d'émancipation – qui est central dans notre tradition occidentale – suppose des récits fondateurs, comme l'Exode et la Résurrection. Ces récits inspirent et fondent ce processus émancipateur qui caractérise la société occidentale. D'une certaine manière, ce film en est une illustration.Par rapport à la campagne d’affichage, a-t-on besoin de s'attacher affectivement à une figure comme Wall-e pour se sentir responsable de l'environnement ?Oui, c'est une de ces personnalités qui nous permettent une identification, leur rôle est donc important. Je prends le cas d'acteurs américains qui parlent beaucoup d'environnement, comme Leonardo Di Caprio ou George Clooney. L'acteur a joué dans Syriana, film traitant de la violence liée à l'exploitation du pétrole et de la « pétroléo-dépendance » de nos pays. C’est aussi quelqu’un qui essaie effectivement de soutenir des initiatives écologiques. Je pense que cela peut avoir un effet, peut-être pas percutant, mais au fond important. Théologiquement parlant, on pourrait se demander si ce sont les nouveaux saints, finalement. Il y a peut-être un peu de cela. D'un point de vue protestant, on adopte un certain recul critique, par crainte d'une trop forte personnalisation ; on se méfie d'en faire des idoles.Mais notre conscience éthique passe-t-elle aujourd’hui par l'attachement et l'affectivité ?Il y a une revalorisation des émotions dans les milieux qui réfléchissent à l'éthique. Le jugement éthique, c'est une chose, mais il faut qu'il induise un réel changement de comportement. On peut bien sûr tenter d’infléchir les comportements par des récompenses ou des pénalisations, c'est l'exemple des taxes sur les poubelles de certaines communes. Mais ce n'est pas tout, cela peut être relayé par d'autres façons de faire. Wall-e et cette campagne suisse en sont l'exemple. Je remarque d'ailleurs que le film n'a rien de moralisateur. Il interpelle, mais il n'y a aucun message moral direct, ni de débat idéologique frontal. C'est une jolie histoire, avec de l'amour, de l'action, de l'humour. S'il y'avait un message moral, je pense que ce serait moins bien perçu. La campagne « aide Wall-e à ranger la planète » par contre, est une invitation qui a un contenu moral.(photos d’Otto Schäfer à disposition à Protestinfo)