Foisonnement religieux américain: un livre pour y voir clair

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Foisonnement religieux américain: un livre pour y voir clair

10 septembre 2008
Le paysage religieux américain est mouvant, multiple et déconcertant
Le visiteur étranger est frappé par le nombre d’Eglises différentes qui coexistent, même dans les plus petites agglomérations. Si le pentecôtisme se taille la part du lion, parallèlement des myriades de congrégations fondamentalistes de se multiplient : le protestantisme conservateur américain tient visiblement la forme. Jean-Paul Moreau, un chercheur français, décrypte ce foisonnement religieux d’un État dont la Constitution garantit la laïcité, ce qu’un certain George Bush W. semble parfois avoir oublié. La laïcité de l’État américain, garantie par la Constitution - première constitution laïque de l’histoire -, n’embarrasse visiblement pas l’actuel président des Etats-Unis, George W. Bush. Il avait introduit la pratique de la prière et la référence à Dieu lors de son investiture en janvier 2001, violant sciemment le Premier Amendement de la Constitution américaine, basée sur la théorie de la souveraineté populaire et non de la souveraineté divine. Quand bien même l’article 6 de cette même Constitution exclut clairement la religion de la vie publique, stipulant « qu’aucune profession de foi religieuse ne sera exigée comme condition d’aptitude à quelque fonction ou charge que ce soit », l’actuel président des Etats-Unis s’est entouré de ministres et de conseillers très engagés dans la nouvelle droite chrétienne, une dénomination confessionnelle qui contrôle le parti républicain dans 31 États. Son prédécesseur George Washington n’avait-il pas déclaré en 1796 que « la religion est source de moralité », après avoir signé en 1789 un décret décidant que le 6 novembre serait un jour d’action de grâces, le fameux Thanksgiving Day, « en reconnaissance des faveurs insignes du Dieu tout-puissant » ?

En fait cette commémoration de la prière de grâces des puritains, exilés d’Angleterre et de Leyde en Hollande et débarqués du Mayflower sur une plage de Cape Cod en 1620, n’a qu’une valeur emblématique et relève d’une pure fiction, note Jean-Paul Moreau, qui a revisité méticuleusement toute l’histoire américaine. Les fameux pèlerins ne furent pas les premiers à fonder une colonie sur la côte Est. L’Amérique ne saurait s’identifier à la seule culture puritaine de ces immigrés protestants qui se considéraient comme les nouveaux élus à qui Dieu avait attribué une nouvelle Terre Promise.

« Les émigrants du Mayflower n’ont pas constitué à eux seuls le creuset de la culture américaine », précise l’auteur. Bien avant eux, des pionniers débarquèrent sur le nouveau continent. C’étaient des défricheurs exaltés par l’aventure et la perspective d’une vie meilleure, animés de sentiments religieux forts. Ils étaient des presbytériens écossais et irlandais, des anglicans, des puritains calvinistes anglais, exilés en Hollande, des luthériens venus de Salzbourg, des baptistes suisses persécutés par Ulrich Zwingli, des quakers qui réclamaient la séparation des Eglises et de l’Etat et revendiquaient la liberté de conscience. Il faut encore relever, dans ce foisonnement de dénominations confessionnelles, des unitariens et des méthodistes. Tous revendiquaient leur appartenance à leur confession d’origine et étaient bien décidés à propager leur foi sur leur terre d’immigration.

De cette diversité naquit forcément une tolérance religieuse qui elle-même allait favoriser la multiplication des confessions protestantes, encouragée au 18ème siècle, par le premier grand Réveil religieux, puis par le second Réveil entre 1800 et 1840. Au 20ème siècle, la déferlante évangélique a fait émerger des centaines de mouvements concurrents dont certains plongent dans d’extravagantes dérives. Certaines Églises n’hésitent pas assurer, moyennant finances, non seulement le bien-être ici-bas mais aussi le salut dans l’au-delà.. De tels comportements nous ramènent à la cause qui a déclenché le schisme protestant, provoqué par Martin Luther qui avait dénoncé en 1517 les indulgences payantes du pape Léon X, qui promettait des remises de peine de purgatoire.Les avatars du protestantisme aux Etats-Unis de 1607 à 2007, Jean-Paul Moreau, 242 pages, 2008, éditions de L’Harmattan.