Calvin, un aïeul encombrant : le théologien Bernard Reymond égratigne la figure du Réformateur
10 novembre 2008
Un aïeul encombrant, Calvin ? Dans un petit livre un brin iconoclaste, Bernard Reymond, professeur honoraire de théologie, remet le Réformateur de Genève à sa juste place et dans son siècle
« Calvin n’est pas tout le protestantisme, mais il est vrai que sans lui, le protestantisme ne serait pas tout à fait ce qu’il est devenu ». A la veille des commémorations du 500ème anniversaire de la naissance du Réformateur de Genève, cette relecture a quelque chose de réjouissant. Rencontre avec l'auteur. Autant le dire tout net : Bernard Reymond n’aurait pas aimé vivre dans la Genève dont Calvin a si bien façonné les mœurs et où il ne faisait pas bon tenir à sa liberté de croyance et à ses opinions. Mais ce n’est pas au Calvin censeur, autoritaire et rabat-joie que Bernard Reymond s’attarde. Il préfère mettre la pensée de Calvin en perspective avec celle des autres Réformateurs qui l’ont précédé, puis qui lui ont succédé. A trop vouloir miser sur la « modernité » de Calvin, on en oublie que ses textes sont situés dans l’histoire, « inévitablement tributaires du contexte culturel de leur époque ». Pour le théologien lausannois, ramener toute la Réforme à Calvin, c’est oublier que des pans entiers du protestantisme ne se réclament pas de lui ou rejettent ses enseignements, c’est ignorer que les options les plus marquantes de la Réforme étaient déjà prises avant son arrivée à Genève et que des villes et des régions entières avaient déjà basculé du côté de la foi évangélique : une bonne partie de l’Allemagne dès 1523, Zurich, Strasbourg et Mulhouse en 1523, St-Gall en 1525, Constance en 1527, Berne en 1528, Bâle en 1529, enfin Neuchâtel en 1530.
Les principaux mentors de cette renaissance au sein de la chrétienté occidentale ont en effet déjà formulé une bonne part de leur pensée: Martin Luther à Wittenberg, Ulrich Zwingli puis Heinrich Bullinger à Zurich, Martin Bucer à Strasbourg, Guillaume Farel à Aigle, Neuchâtel et Genève. « Il est des éléments qu’on prête à Calvin, précise Bernard Reymond, mais qui se trouvent déjà dans la Réforme zurichoise, par exemple tout ce qui touche à l’économie et aux prêts à intérêts ». Qu’est-ce qui change avec la naissance de la pensée réformée, puis celle de Calvin? Dans le protestantisme, le rapport de l’individu à l’Eglise dépend de son rapport au Christ, tandis que dans le catholicisme, le rapport de l’individu au Christ dépend au contraire de son rapport à l’Eglise. La doctrine de Calvin corrrespond à la devise réformée: « A Dieu seul la gloire ». Le réformateur insiste sur le fait que notre salut dépend de Dieu seul et non de nous et de nos œuvres. Dieu seul nous justifie, c’est-à-dire nous rend justes. Calvin ajoute qu’Il le fait de toute éternité, mais sans que nous soyons capables de comprendre pourquoi il en est ainsi. Dieu détermine de ce qu’il voulait faire de chaque homme. Voici ce que Calvin dit dans son Institution de la religion chrétienne : «Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à éternelle damnation ». C’est ce qu’on appelle la doctrine de la double prédestination. Les autres réformateurs ne souscrivent pas à la doctrine de Calvin sur la prédestination. Heinrich Bullinger précise dans l’un de ses écrits : « Quant à moi, la pureté de la grâce divine, me semble-t-il, peut être sauvegardée sans que nous disions que Dieu crée les hommes pour la perdition, et les y emmène par l’endurcissement et l’aveuglement ». Au 19ème siècle, Max Weber considère la doctrine calvinienne de la prédestination comme « une inhumanité pathétique ». Quelles sont les qualités que vous reconnaissez à Calvin ?C’est une plume magnifique. Calvin a incontestablement du génie. La preuve : il a réussi à mettre le grappin sur une ville comme Genève, il faut le faire ! Il a un sens de l’organisation remarquable, c’est un homme de l’ordre. Sa formation et sa tournure d’esprit de juriste lui ont permis de solidement organiser l’Eglise de cette ville. Il semble avoir également été un très bon pasteur. Le protestantisme et Calvin, que faire d’un aïeul encombrant, octobre 2008, éditions Labor et Fides.
Les principaux mentors de cette renaissance au sein de la chrétienté occidentale ont en effet déjà formulé une bonne part de leur pensée: Martin Luther à Wittenberg, Ulrich Zwingli puis Heinrich Bullinger à Zurich, Martin Bucer à Strasbourg, Guillaume Farel à Aigle, Neuchâtel et Genève. « Il est des éléments qu’on prête à Calvin, précise Bernard Reymond, mais qui se trouvent déjà dans la Réforme zurichoise, par exemple tout ce qui touche à l’économie et aux prêts à intérêts ». Qu’est-ce qui change avec la naissance de la pensée réformée, puis celle de Calvin? Dans le protestantisme, le rapport de l’individu à l’Eglise dépend de son rapport au Christ, tandis que dans le catholicisme, le rapport de l’individu au Christ dépend au contraire de son rapport à l’Eglise. La doctrine de Calvin corrrespond à la devise réformée: « A Dieu seul la gloire ». Le réformateur insiste sur le fait que notre salut dépend de Dieu seul et non de nous et de nos œuvres. Dieu seul nous justifie, c’est-à-dire nous rend justes. Calvin ajoute qu’Il le fait de toute éternité, mais sans que nous soyons capables de comprendre pourquoi il en est ainsi. Dieu détermine de ce qu’il voulait faire de chaque homme. Voici ce que Calvin dit dans son Institution de la religion chrétienne : «Car il ne les crée pas tous en pareille condition, mais ordonne les uns à la vie éternelle, les autres à éternelle damnation ». C’est ce qu’on appelle la doctrine de la double prédestination. Les autres réformateurs ne souscrivent pas à la doctrine de Calvin sur la prédestination. Heinrich Bullinger précise dans l’un de ses écrits : « Quant à moi, la pureté de la grâce divine, me semble-t-il, peut être sauvegardée sans que nous disions que Dieu crée les hommes pour la perdition, et les y emmène par l’endurcissement et l’aveuglement ». Au 19ème siècle, Max Weber considère la doctrine calvinienne de la prédestination comme « une inhumanité pathétique ». Quelles sont les qualités que vous reconnaissez à Calvin ?C’est une plume magnifique. Calvin a incontestablement du génie. La preuve : il a réussi à mettre le grappin sur une ville comme Genève, il faut le faire ! Il a un sens de l’organisation remarquable, c’est un homme de l’ordre. Sa formation et sa tournure d’esprit de juriste lui ont permis de solidement organiser l’Eglise de cette ville. Il semble avoir également été un très bon pasteur. Le protestantisme et Calvin, que faire d’un aïeul encombrant, octobre 2008, éditions Labor et Fides.