Pasteure itinérante

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Pasteure itinérante

Samuel Ramuz
19 juin 2012
Avec son âne, son chien et sa roulotte, Hetty Overeem vient de boucler trois ans d'un ministère en chemin dans le canton de Vaud. Eprise de liberté et d'authenticité, la pasteure d'origine hollandaise se raconte.
(Photo: ©Andrée-Noëlle Pot)

Non, vous ne trouverez pas dans le dernier livre de la pasteure Hetty Overeem* de petites anecdotes glanées au fil de son ministère itinérant dans la campagne vaudoise. Ni d'ailleurs quelques recettes pour mieux vivre à l'aune de valeurs chrétiennes.

Non, cet opuscule est ce qu'on pourrait appeler le credo d'Hetty. Son titre? L'Evangile en chemin. Et à l'intérieur, « ce qui reste, c'est l'Evangile tel que je le comprends maintenant », écrit-elle. Ça sonne vrai et ça lui ressemble, ajoute-t-on.

Car Hetty, Henriette Christine de son nom de baptême, a sa manière bien à elle d'entrer dans l'habit pastoral. A 55 ans, elle reprend son souffle après trois ans d'un ministère mû par la soif de rencontrer les gens. Simplement. « La liberté fait partie de mon caractère, mais aussi de ma spiritualité », explique-t-elle. Alors la pasteure s'est baladée de villes en villages avec sa roulotte, son âne et son chien Barou. Sans que l'on comprenne toujours ce qu'elle faisait là. « C'est quoi votre animation, votre cirque? » lui a-t-on souvent demandé. « Je suis désolée, je suis juste là, j'ai du temps », a-t-elle souvent répondu.

Enfance pré-programmée pour la méfiance

En fait, aussi loin qu'elle se souvienne, Hetty a toujours imaginé l'Eglise de ses rêves. La petite Hollandaise de Elst a 5 ans quand elle avoue à son père, pasteur: « C'est ennuyeux ton Eglise, je pourrais faire mieux! » La fillette se met alors en tête de découvrir Dieu. Quelques années plus tard, l'adolescente tombe en dépression. « Mon enfance a été pré-programmée pour la méfiance, explique-t-elle aujourd'hui. J'ai dû me battre pour avoir ma place. » A ce moment-là, toute la famille a suivi l'aumônier militaire Overeem, muté dans le nord de l'Allemagne avec les troupes de l'OTAN, en pleine Guerre froide.

Mais cet ami, athée, teste sa vocation. "Il a remué le couteau dans la plaie, car je savais au fond de moi que je voulais devenir pasteure, ou en tout cas communiquer Dieu", sourit aujourd'hui la ministre.

Indépendante à 15 ans, Hetty passe son bac à Francfort. Puis retour dans son pays natal pour y entamer des études de musique au Conservatoire, à Arnhem. Un ami la met alors sur la piste d'une formation pilote en musicothérapie à Londres. Notre jeune Hollandaise se retrouve inscrite dans une volée de douze étudiants pour se former au travail avec des enfants en situation de handicap.

Mais cet ami, athée, teste sa vocation. « Il a remué le couteau dans la plaie, car je savais au fond de moi que je voulais devenir pasteure, ou en tout cas communiquer Dieu », sourit aujourd'hui la ministre. Elle prie alors pendant une semaine, pleure et fait son choix: à 25 ans, Hetty s'inscrit en faculté de théologie à Göttingen (A).

Aujourd'hui, la quinquagénaire ne regrette pas son choix. La bourse décrochée pour terminer ses études à Lausanne a été le prélude à son ministère dans l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV), qui manquait de forces dans les années 80. Elle passera par un poste en paroisse, créera un lieu d'écoute, travaillera en aumônerie. Mais voilà. La trajectoire de la fille des Pays-Bas n'a jamais rien eu d'un long fleuve tranquille chez les Vaudois. Sa manière d'abaisser le seuil entre l'Eglise et le monde agacerait-il? Après une expérience de trois ans, les autorités de l'EERV ont décidé de pas renouveler leur soutien financier, à l'exception du défraiement des frais de fonctionnement. « Mais le mandat reste (ndlr: à la demande de Mme Overheem, qui souhaitait poursuivre l'expérience et rester reliée à l'EERV, "son Eglise"), précise-t-elle. J'ai donc repris la route ce printemps. »

Caricatures toxiques de Dieu

Pour vivre, Hetty peut aujourd'hui compter sur un 20% d'aumônerie en prison – « où j'ai toujours travaillé depuis ma période d'assistanat en théologie pratique à l'université » –, un autre 20% de cultes dans en EMS et de remplacement en paroisses dès le 1er juillet, ainsi que des dons. On devine alors qu'elle vit simplement, retirée dans son alpage, seule avec Barou, où elle médite, prie, écrit.

Et ce qu'elle écrit, donc, lui ressemble: enraciné bibliquement et humainement pétillant. « Contrairement à ce que l'on pense, nos contemporains demandent qu'on dise très clairement ce que l'on croit », avance notre femme. Mais elle a d'abord dû remettre les choses au clair pour elle-même. « Sinon je ne peux pas prétendre enseigner quoi que ce soit. »

Au final, dix points sans lesquels sa foi n'aurait plus de sens. Parmi eux, la résurrection du Christ, « signature ineffaçable de Dieu ». Ou encore le jeûne et la prière, « pour désamorcer les caricatures toxiques de Dieu, des autres et de nous-mêmes ». C'est d'ailleurs à une semaine d'arrêt total de toutes ses activités qu'Hetty exhorte aujourd'hui son Eglise, qu'elle juge « malade malgré toutes les belles choses qui s'y vivent ».

On sent alors poindre chez notre pasteure une pointe d'incompréhension. « Pour certains chrétiens, et ils le disent eux-mêmes, la flamme a disparu, comme si Dieu était devenu une théorie, un discours, mais plus une personne. Comment a-t-on pu perdre le goût de l'Evangile, la lumière de Jésus Christ ? Comment a-t-on pu le domestiquer? » Hetty fait une pause. « C'est grave ce que je vais dire, mais je crois que les chrétiens, et je me mets dedans, n'ont pas réussi à transmettre l'essentiel. On a transmis des valeurs, une certaine éthique, mais on a loupé Dieu, on a coupé l'Evangile de sa source. »

Alors Hetty continue de s'abreuver à cette source. Et de partir à la rencontre de « ceux qui ne se disent pas chrétiens mais qui ont une foi avec quelques bricoles chrétiennes, un peu de bouddhisme, un peu d'hindouisme, un peu de New Age, un peu de sagesse terrienne ». Elle aimerait tellement que ce soit la foi chrétienne qui mette ces gens-là en route.

A lire

* L'Evangile en chemin, Ed. Société biblique suisse, collection Ourania, 2012

Le site d'Evangile en chemin

Cet article a été publié dans :
L'hebdomadaire français Réforme le jeudi 7 juin 2012.