Immigration et asile: un vrai problème ignoré

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Immigration et asile: un vrai problème ignoré

29 janvier 2014
Timorées et angéliques, les églises sont peu crédibles en matière d'asile et d'immigration
Rappeler le respect dû à l'autre ne devrait pas dispenser de reconnaître la souffrance de nos concitoyens et les difficultés pour les autorités que représente la gestion de culture multiples

par Suzette Sandoz, professeure honoraire à la Faculté de droit à l’Unil

Il est un domaine où les Eglises sont peu crédibles, c’est celui de l’asile et de l’immigration. C’est assurément leur devoir que de rappeler le respect dû à l’autre, quel qu’il soit, et la nécessité d’accueillir et d’aider le pauvre et l’opprimé, mais il n’est pas équitable de ne pas voir aussi la souffrance des personnes qui, dans notre pays, sont parfois les victimes des abus que commettent certains immigrés ou dont de faux requérants d’asile se rendent coupables, ni d’ignorer la difficulté que représente, pour les autorités, la recherche d’une gestion d’ensemble de l’accueil de personnes venues d’autres pays, d’autres cultures.

Commisération pour les Suisses

Quand les Eglises ont-elles exprimé la moindre commisération devant la souffrance de certains travailleurs suisses à qui l’on offre un salaire très bas sous la menace de donner le poste à une personne étrangère, ou déploré les tricheries de certaines entreprises étrangères, dans la construction ou les RH par exemple?

Quand les Eglises ont-elles compris l’inquiétude de la population devant la montée d’une certaine violence.

Quand les Eglises ont-elle montré de la compréhension pour les autorités qui doivent appliquer le droit voté démocratiquement même si elles ne l’aiment pas? Quand les Eglises ont-elles compris l’inquiétude de la population devant la montée d’une certaine violence, d’une certaine délinquance, devant le développement de réseaux de dealers?

Quand ont-elles blâmé publiquement les filières esclavagistes qui exploitent la misère de certaines populations pour leur faire payer le prix fort sous prétexte de leur assurer un voyage – mortel – à destination de pays dont on leur fait croire qu’ils les accueilleront à bras ouverts? Et malheureusement, la Suisse officielle, à gauche ou à droite, est tout aussi timorée et angélique.

Confusion entre immigration et asile

C’est vrai que l’initiative «contre l’immigration de masse» met dans le même panier immigration et asile, mais cette confusion est souvent favorisée malheureusement par les Eglises elles-mêmes; c’est vrai que cette initiative propose un contingentement étendu aux requérants d’asile, mais le haut Commissariat aux réfugiés n’a-t-il pas fait de même pour les réfugiés syriens?

C’est vrai que l’initiative propose de limiter la libre circulation prônée par l’Union européenne, mais d’autres Etats de l’Union ne sont-ils pas en train d’étudier la même solution? C’est vrai que l’initiative soutient la préférence nationale, mais n’est-ce pas le rôle des autorités que de défendre d’abord les droits des citoyens dont elles sont responsables?

C’est vrai que l’initiative concrétise la primauté du droit national par rapport au droit international, mais ne souligne-t-elle pas ainsi le délicat problème de la coexistence entre la démocratie directe et l’impérialisme régnant dans les relations internationales, fussent-elles européennes?

Cesser de faire l'ange

Si les Eglises envisageaient sérieusement, dans notre pays, de s’asseoir autour d’une table, pour aborder ces différents problèmes et de cesser de faire l’ange, donc la bête, comme disait Pascal, alors on rejetterait l’initiative sans hésiter, mais maintenant, ne représente-t-elle pas peut-être un coup de sonnette utile pour réveiller les responsables religieux ou politiques qui sommeillent dans leur bonne conscience? La lucidité n’est pas incompatible avec la charité.