Le boom des microéglises en Grande-Bretagne

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Le boom des microéglises en Grande-Bretagne

Jean-Christophe Emery,
2 juin 2014
De nouvelles Eglises appelées «Fresh expressions» sont en passe de transformer en profondeur le paysage religieux britannique
Présentes depuis dix ans, ces microéglises ont bourgeonné vigoureusement. A tel point qu’une récente recherche évalue leur nombre à 2000. Reportage au Nord de Londres, dans le quartier de Walthamstow.

Photo: La microéglise «Saint-Luc dans la Grand-Rue», dans le quartier de Walthamstow au Nord de Londres. (JCE)

Médias-Pro

Thé, café ou chocolat chaud? C’est gratuit. Le cake coûte 50 pence (environ 75 cts/60 cts d’euro), mais il est fait maison! Une tente blanche surmontée d’un logo estampillé «Saint-Luc dans la Grand-Rue» abrite une poignée de volontaires au tablier vert. Les voix matinales sont enjouées alors que les passants affluent lentement sur la place du marché. Savez-vous qu’il y a une Eglise derrière vous? La passante à laquelle ces mots sont adressés est surprise. Comment? Cette tente? Je cherchais un bâtiment! Le propos confirme la déclaration d’un bénévole affairé à remplir un thermos.

L’Eglise, c’est surtout un groupe de personnes

Cette initiative est née il y a sept ans, au moment de renoncer à l’une des Eglises de la paroisse devenue trop chère à entretenir. «Nous avons pris conscience que l’Eglise est surtout un groupe de personnes», explique-t-il. «Nous nous sommes déplacés pour rejoindre les gens». Les nouveaux fidèles de cette microéglise sont des sans-abris, des toxicomanes et quelques autres cabossés de la vie. Essentiellement des hommes.

Un trentenaire à la peau tannée, grosse cicatrice sur le nez et tatouage sur le cou, me répond sans hésiter: «je viens parce qu’ils offrent de la nourriture. Mais leur truc biblique ne me dérange pas, nous sommes devenus un groupe d’amis». Peu de paroissiens ont des physiques d’enfants de chœur. Un jeune noir à la barbiche soigneusement mal taillée insiste pour raconter comment il est sorti de l’alcool. Depuis six mois, il fréquente certains cultes de la paroisse et compte bien s’en sortir, si seulement il avait un peu d’argent.

Dans un café des environs, la joviale équipe se retire pour vivre son culte. Pas de cantiques ni même de sermon. Pour tout psautier, une feuille imprimée contient le texte biblique du jour et quelques questions. On parlera richesse et pauvreté à partir d’une parabole de l’Evangile. A chaque table, un bénévole fait circuler la parole et prodigue ses explications. On prie parfois, si l’occasion s’y prête.

Rapports de bon voisinage

Les autres commerçants ne tarissent pas d’éloges sur le groupe: ils s’occupent bien des sans-abris et ne font pas de prosélytisme. «Parfois, lorsque j’installe mon stand le matin, certains sont un peu trop empressés de m’accoster, mais ils n’ont jamais insisté pour que je me convertisse», confie la vendeuse de légumes d’en face. Le responsable du marché confirme: «personne ne s’est jamais plaint auprès de moi.»

Depuis trois ans, Frances Shoesmith prend soin de ses ouailles avec pour seul signe distinctif un discret col romain caché sous son imperméable. Accompagnée de son mari, cette pasteure de l’Eglise d’Angleterre est devenue une figure de référence. Elle forme les bénévoles, veille aux liens avec la paroisse et dirige les services religieux. Après l’animation au café, elle s’apprête à célébrer un culte en mémoire d’une toxicomane décédée la semaine précédente.

Des personnes jusqu’alors sans lien avec l’Eglise

On identifie aujourd’hui à vingt le nombre de différents types de ces Eglises. Certaines sont orientées sur les enfants, d’autres s’adressent aux traders de la City, d’autres encore valorisent le chant comme expression de la foi, indique George Lings, spécialiste de ces groupes. Une récente recherche menée sur un quart des diocèses britanniques révèle que 40% des participants n’a jamais fréquenté fidèlement une Eglise auparavant.

Ces «fresh expressions» ne sont pas toutes identifiées ou gérées par une autorité ecclésiastique. Dans une brillante démonstration de pragmatisme, le sociologue précise: «ces groupes ont un ADN commun qui permet de les associer à l’Eglise d’Angleterre. Nous n’avons pas besoin de contrôle plus strict. Les groupes les plus marginaux s’éloignent d’eux-mêmes et les cas sont extrêmement rares.»

Apparitions et disparitions

L’Eglise de Sa Majesté se frotte les mains de cette évolution. Bev Botting, une sociologue à la tête du département des statistiques détaille: «environ un quart de ces groupes enregistre une progression numérique, parfois importante. Un autre quart décline ou disparaît, mais c’est parfois pour mieux se réinventer sous une autre forme.» La plasticité de ces «fresh expressions» les affranchit des lourdeurs institutionnelles, mais fragilise leur visibilité.

Même si certaines tensions existent avec les paroisses, la pérennité de cette évolution semble désormais acquise: Justin Welby, primat de l’Eglise anglicane, parle d’économie mixte et malgré quelques publications critiques, l’immense majorité des paroissiens se réjouit de cette évolution.

Liens utiles

  • L’émission Hautes Fréquences sur RTS La Première a consacré une émission aux «fresh expressions»
  • Interview complète de Bev Botting (celle de George Lings suivra sur le même site)
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