Elias, la chaleur donnée

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Elias, la chaleur donnée

24 décembre 2015
Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités réformées.

En cette veille de Noël, le pasteur et bloggueur Jean-Jacques Corbaz partage un conte inspiré d’un texte de Joël Allaz

Photo: CC(by-sa) elPadawan

Il était une fois un petit garçon qui s’appelait Elias. Sa maman voulait le baptiser «Elie», mais son papa préférait «Jonas». Alors, ils s’étaient décidés pour Elias.

Elias avait toujours froid. Froid sur sa peau, et froid dans son cœur. Il y avait tellement peu de soleil, dans son pays! Il faisait si souvent nuit! Et puis, les adultes n’avaient jamais le temps de s’occuper des enfants...

Alors, un jour, Elias décide de partir. Il se met à marcher, pour essayer de trouver ce qui pourrait le réchauffer.

Il marche longtemps, longtemps... Et voilà que la nuit s’épaissit encore, et le froid qui le mord...

Au ciel, Elias voit des étoiles. Mais, se dit-il, les étoiles!? Elles ont du feu, c’est ça qui les fait briller, dans le noir. Elles pourraient peut-être m’en donner??

— Ohé, les étoiles, crie Elias. Vous n’auriez pas du feu pour moi? J’ai si froid!

— Bien sûr, répondent les étoiles. Nous avons du feu, mais nous sommes si loin! Tu ne peux pas venir jusqu’à nous.

— Oh, dit Elias. Mais est-ce que vous pourriez m’envoyer un peu de chaleur? S’il vous plaît!

— Hélas, nous sommes trop loin, disent les étoiles. Tu ne recevras pas grand-chose. Mais nous voulons bien essayer. Couche-toi dans un creux de la terre, et nous allons t’envoyer le plus possible de lumière.

Elias se couche dans un creux du sol, et les étoiles tiennent parole. Le ciel se remplit d’une douce lumière, couleur d’espoir. Bien sûr, ça ne donne pas beaucoup de chaleur. Mais au moins, Elias se sent moins seul. Il a un peu moins froid à la peau, et un peu plus chaud au cœur. Il s’endort, apaisé. Comme bercé par une musique douce.

Quand il se réveille, les étoiles ont presque disparu. C’est le matin. Elias a toujours froid, mais froid...

Il faudrait faire du feu, se dit-il. Et là, il se souvient, son grand-papa lui a montré un jour comment allumer un feu avec deux pierres. Elias cherche des pierres à feu, comme son grand-papa lui a montré. Il finit par en trouver, et il les frotte l’une contre l’autre, au-dessus d’un petit tas de brindilles qu’il a rassemblées. Il frotte longtemps, il se fait mal aux doigts, ça ne marche pas...

— Pourtant, avec grand-papa, le feu s’allumait!

Il frotte encore, il a envie de pleurer. Et soudain, une étincelle, et une autre! Une petite flamme s’allume, et le petit tas se met à brûler. Vite, Elias ajoute un peu de bois sec, puis encore... Le feu grandit, il réchauffe l’enfant, mmmmhh, c’est bon!

Quand le soir arrive, Elias se couche à côté du foyer. Il s’endort, bercé par les braises, qui chantonnent les vieilles mélodies du début du monde.

Mais c’est la pluie, mêlée de neige, qui le réveille. Elias a froid. Le feu s’est éteint, le bois est tout mouillé. Il a beau recommencer à frotter les cailloux, il n’y a plus d’étincelle.

— Oh, j’ai trop froid, dit l’enfant. Et il recommence à marcher, pour trouver un endroit à l’abri du vent et de la pluie.

C’est ainsi qu’il découvre la caverne. Il entre. Il y fait presque bon. Et il y a là un gros tas de feuilles mortes qui font comme une couverture... Elias se glisse dessous...

Tout à coup, il entend un bruit. Il y a quelqu’un dans la caverne!

— Y... y a quelqu’un? crie le garçon, tout apeuré.

— Oui, y a quelqu’un, fait une grosse voix.

Elias écarquille les yeux. Devant lui, il voit un ours énorme, qui le regarde, sans méchanceté.

— As-tu du feu? demande l’enfant.

L’ours se gratte la tête, un peu ennuyé.

— Non, je n’ai pas de feu. Mais je veux bien te réchauffer. Viens!

Elias se lève. Il n’est pas très rassuré: l’ours est si gros! Mais un ours qui parle, ça ne peut pas être méchant.

L’ours prend le petit garçon tout contre lui. Il le serre doucement, et le berce, comme une maman. Et les petits ours font de même. Elias a tout plein de poils des ours dans le nez et les oreilles, mais il sent une bonne chaleur qui lui vient. Il découvre qu’il n’a jamais eu aussi chaud, sur la peau et dans son cœur.

— Tu pourras rester quelques jours, dit le gros ours. Mais après, il faudra que tu partes.

— Mais pourquoi? demande Elias. Je suis si bien, avec vous!

— Ce n’est pas possible, dit le gros poilu. Tu es un enfant d’homme, et nous, nous sommes des ours. Mais je connais quelqu’un qui pourra te donner du feu, c’est le potier. Je te montrerai le chemin. Maintenant, repose-toi, nous allons te donner le plus possible de chaleur.

Le garçon se laisse faire. À travers la poitrine de l’ours, il entend battre le cœur de son nouvel ami. Ça fait comme un son de contrebasse.

Trois jours après, Elias s’en va, triste de quitter la famille des ours: c’est si bon, avec eux! Mais il n’a pas le choix.

Il arrive chez le potier, qui est en train de fabriquer un immense pot, une espèce de cruche.

— Tu viens chercher la cruche à feu? demande l’homme. Regarde: il y a des trous pour que les flammes puissent respirer. Tu ajouteras du bois quand les braises deviendront toutes petites. Ainsi, tu pourras faire du feu partout, et la pluie ne l’éteindra pas.

L’enfant attend, impatiemment, que la cruche soit prête. C’est long! Mais finalement, le potier la lui donne.

— Tu peux la prendre, elle est finie. Je te donne aussi des braises, et du bois. Au revoir, Elias!

Le garçon s’en va, emportant, délicatement, son précieux trésor. Il est heureux, même s’il sent encore un peu le froid. Surtout que cette nuit-là est encore plus glaciale que les autres. Brrrr!

C’est une toute petite lumière qui le guide vers une maison, ou plutôt vers une sorte d’abri pour les vaches ou les moutons. Il entre. Il lui semble que tous les courants d’air de la terre se sont donné rendez-vous dans cette étable.

Il y a là un homme et une femme, penchés sur un tas de paille. Et, sur la paille, à côté d’un mouton, il y a... un tout petit bébé.

— S’il te plaît, dit l’homme, ferme la porte. Il fait si froid!

— Vous avez froid? demande Elias.

— Oh oui, répond l’homme, terriblement froid. Surtout notre enfant. Nous ne savons plus que faire pour le réchauffer.

Elias est très étonné.

— Mais vous n’êtes pas allés à l’hôtel?

— À l’hôtel? Ils n’ont pas voulu de nous. Et tout est plein.

Le garçon reste longtemps silencieux. ...

Il regarde l’homme, et la femme. Et le bébé.

Puis il se décide.

— Ecoutez... j’ai peut-être une idée. Je vous prête ma cruche à feu. Et puis...

— Et puis? dit la femme.

— Eh bien, je pourrais prendre le petit dans mes bras pour le réchauffer. Comme l’ours m’a montré. Si vous êtes d’accord?

— Oh merci, dit la femme. Tu sauras très bien faire cela, j’en suis sûre.

Elias prend le bébé dans ses bras, doucement, tout contre lui. Il le serre avec précautions. Il le réchauffe. Et tout à coup, mais? Il ne comprend pas ce qui lui arrive. Il sent que son cœur devient chaud, mais chaud... Il y a en lui comme un feu merveilleux, et ça vient de ce petit enfant qu’il tient dans ses bras! Ça vient de la chaleur qu’il a donnée, lui, Elias.

Il se sent tout heureux, comme il ne l’a jamais été. Il se met à chanter, comme un ange... Et on raconte que plus jamais il n’a eu froid, ni sur la peau ni dans son cœur.