Revenu de base inconditionnel: les réformés sont bien placés pour en parler

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Revenu de base inconditionnel: les réformés sont bien placés pour en parler

6 mai 2016
Protestinfo laisse régulièrement carte blanche à des personnalités réformées.

Le médecin Jacques-André Haury, ancien député vert'libéral au Grand Conseil vaudois, espère que les réformés profiteront du débat autour de l’initiative populaire fédérale «Pour un revenu de base inconditionnel» pour rappeler les valeurs spirituelles que les protestants reconnaissent au travail.

Photo: CC(by-nc-nd) Jaimebisbal

La question du revenu de base inconditionnel n’est pas d’abord une question politique: c’est une question philosophique. Les Eglises héritières de la Réforme devraient en saisir l’occasion pour rappeler l’éthique protestante du travail.

En effet, la valeur spirituelle que les Réformateurs (Luther en tête) ont donnée au travail constitue l’un des apports les plus déterminants de la Réforme à la prospérité des sociétés occidentales. Rompant de façon radicale avec la tradition catholique médiévale qui voyait dans le travail une forme de punition (Genèse 3:17 sqq.), Luther considère que le travail de l’homme est profitable à lui-même et à la société et qu’il lui permet de poursuivre l’œuvre de Dieu. Par son travail, l’homme devient collaborateur de Dieu.

Dans la tradition catholique médiévale, la vie la plus proche de Dieu était une vie de prière retirée du monde. Quant au pauvre et au mendiant, ils offraient au riche l’occasion, par sa générosité, de s’ouvrir une porte vers le ciel. Les Réformateurs vont affirmer au contraire que c’est dans son activité au sein de la communauté que le croyant va s’approcher de Dieu en devenant Son collaborateur et en poursuivant Son œuvre de Création. C’est dans cette conception spirituelle que Calvin a interdit la mendicité à Genève, s’employant au contraire à trouver un travail pour chacun. Quant au sort des plus miséreux et des plus faibles, il le prend en charge par le développement de l’Hospice général.

Sur cette valeur morale et spirituelle donnée au travail, les sociétés protestantes ont fondé une admirable prospérité qui a permis le bien-être matériel de tous et a contribué à éradiquer la misère. Aujourd’hui encore, on peut observer que la situation économique est meilleure dans les pays héritiers de la Réforme, et notamment que le chômage y est plus bas.

Voici ce que les réformés devraient rappeler au moment où certains défendent le principe d’un revenu de base inconditionnel (RBI). Les milieux économiques affirment que ce revenu découragerait le travail et l’effort. Mais les réformés devraient aller beaucoup plus loin, en rappelant qu’il est profondément contraire à l’éthique protestante du travail, à laquelle tous doivent aujourd’hui la prospérité de la société dans laquelle nous vivons. Si travailler signifie collaborer à l’œuvre de Dieu, pousser chacun au travail, c’est peut-être lui ouvrir une porte vers le ciel. C’est en tout cas lui donner une chance de vivre pleinement sa foi en Dieu.

Et la charité, là-dedans, vertu chrétienne elle aussi? Le RBI n’a rien à voir avec la charité. La charité se tourne vers les plus faibles; qu’il s’agisse de charité privée ou d’aide sociale publique, le principe en est toujours le même: protéger les plus faibles de la misère. Tout au contraire, le RBI mélange les faibles et les oisifs, ceux qui n’ont pas la force et ceux qui n’ont pas la volonté. Le RBI n’a plus rien à voir avec l’éthique de la charité.

Il n’appartient pas aux Eglises de donner des mots d’ordre politique. Mais en un temps où les protestants s’apprêtent à célébrer le 500e anniversaire de la Réformation, un temps aussi où les protestants peinent à affirmer leur identité, le débat autour d’un RBI devrait être pour eux une occasion à saisir. Celle de rappeler les fondements spirituels de l’éthique protestante du travail qui fut et qui demeure si profitable à nos sociétés occidentales; une éthique que les protestants peuvent sans rougir apporter au débat interconfessionnel, et même au débat interreligieux.