Les protestants, des paralysés de la communication ? Un théologien incite les Réformés à sortir de leur réserve
Une Eglise qui préfère ne pas s’adresser ni répondre aux médias, par exemple parce qu’elle craint leurs simplifications abusives, est quand même une Eglise qui donne un message » : Le pasteur réformé français Laurent Sclumberger connaît bien la réaction des protestants historiques face aux débordements sentimentaux et aux convictions à l’emporte-pièce chères aux évangéliques : « Les Réformés se drapent dans leur réserve et se replient sur leur passé riche mais survalorisé, fiers de la pensée nuancée et pertinente qui est la leur. Mais aussi féconde soit-elle, cette pensée, si elle reste le privilège d’initiés, ne peut être entendue de façon juste et ne peut rayonner ». Or pour le théologien, toute communication est composée de contenu et de relation. Cette dernière doit passer avant le contenu, car c’est elle qui donne à la proclamation de l’Evangile son sens véritable », analyse-t-il. En clair, il faut que les Réformés se déboutonnent et osent laisser parler leurs l’émotions.
L’urgence aujourd’hui n’est pas de revisiter la théologie protestante ni de bouleverser les institutions, mais bien de faire exister l’Eglise pour ceux qui n’y sont pas. « En s’adressant à ceux qui sont lointains, nos Eglises s’adresseront du même coup à ceux qui sont proches, alors que l’inverse n’est plus vrai. C’est en se décentrant que l’Eglise se recentre, c’est à la périphérie qu’elle est dans le mille, c’est sur le seuil qu’elle est vraiment à sa place ».
Laurent Schlumberger a la conviction que l’évangélisation et la foi sont de l’ordre de la rencontre authentique, faite de paroles, de gestes mêlés, de conviction et de respect conjugués. Pour que la rencontre soit aussi un témoignage, il faut lâcher clarifier sa foi et oser dire ses doutes. Il faut aller vers les gens et non pas attendre que la population s’adapte à l’Eglise. Il estime que la communication est la seule réalité sociale quotidiennement vécue sur un mode religieux par une majorité de la population.
Enfin, Laurent Schlumberger stigmatise l’amertume et la culpabilité, ce sentiment d’avoir failli dans la transmission, que ressentent bien des Réformés face aux Eglises qui ont perdu leur place centrale dans la société contemporaine. Ce sont, à ses yeux, des attitudes stériles, voire même destructrices.
L’heure est donc au changement pour dire autrement et plus largement la Bonne Nouvelle : à savoir que pour Dieu chacun compte inconditionnellement, que cette relation fondatrice, première, demeure à jamais imprenable. Telle qu’elle a été reformulée par la Réforme, la compréhension de l’Evangile est d’une pertinence sans précédent pour répondre aux attentes de notre temps. Laurent Schlumberger rappelle que la nécessité de se réformer fait partie de la dynamique protestante.