Jérusalem: un « Talmud » chrétien sur le métier

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Jérusalem: un « Talmud » chrétien sur le métier

14 juillet 2010
Olivier-Thomas Venard DR

Une Bible ultra commentée, qui regrouperait l’ensemble des interprétations développées, au fil des siècles? L’Ecole biblique de Jérusalem s'y est attelée. Lancé en 1999, ce projet pharaonique n’en est qu’à ses débuts. Les premiers résultats sont déjà disponibles sur le site de la Best.

Par Sylvian Stauffer, de retour de Jérusalem

« La Best, c’est la fabrication d’une sorte de Talmud chrétien », explique le dominicain Olivier-Thomas Venard, commissaire général d’un programme pour le moins ambitieux. En 1999, dans la continuité de La Bible de Jérusalem, les dominicains de l’Ecole archéologique et biblique française de Jérusalem ont lancé un projet baptisé "Bible Best". "La Best est un projet scientifique visant à publier la Bible de manière inédite", continue le théologien.

"Nous voulons présenter non seulement le texte encadré par des notes historico-critiques, comme dans les éditions actuelles, mais aussi toute l’histoire de sa réception, à savoir la manière dont il a été lu depuis qu’il a été produit. Idéalement, ce serait la Bible du 21e siècle, une synthèse de la sagesse qui s’est développée à partir de l’Ecriture dans les siècles qui nous précèdent, et où tout est bien classé, de façon analytique, en trois zones. »

La première partie porte directement sur le texte. Elle propose les variantes de différentes traductions ainsi qu’une annotation philologique. La deuxième traite du contexte, géographique, historique et culturel de production des Ecritures. Enfin, la troisième zone restitue la manière dont les textes ont été lus et produits, dans les traditions juive, patristique, médiévale ou artistique notamment. Un volume de démonstration est déjà disponible sur le site de la Best. On y trouve douze extraits passés au crible selon cette méthode.

L'ouvrage est colossal

On l’aura compris, l’ouvrage est colossal. Des millions d’euros, des centaines de collaborateurs et plusieurs dizaines d’années seront indispensables à l’édification de ce monument. Pour les trois chapitres de la passion selon Matthieu, une vingtaine de scientifiques et cinq ans de travail ont été nécessaires.

« Nous avons mis dix ans à élaborer le modèle et plusieurs années à créer le site internet qui va permettre à des savants de toutes origines et de toutes disciplines de collaborer pour fabriquer cet objet », confie le frère dominicain. Les progrès technologiques et l’utilisation d’internet jouent donc un rôle considérable. D’une part, cela permet à des spécialistes du monde entier de s’associer. D’autre part, les fruits de leurs recherches seront intégralement publiés, sans problèmes de stockage.

Enfin, la Best ne restera pas figée et des travaux ultérieurs pourront venir se greffer aux premiers. Et Hervé Ponsot, actuel directeur de l’Ecole, de conclure: « L'École biblique, pour toutes ses activités et recherches comme la Best, vit de dons, selon la tradition mendiante des religieux dominicains qui l'animent. » Les collaborations scientifiques pour la Best sont également recherchées.

Ecole biblique

L’Ecole biblique a été créée dans le but d’étudier la Bible tout en s’appuyant sur les connaissances archéologiques. « Il faut unifier le monument et le document », disait le Père Marie-Joseph Lagrange, à l’origine de l’école.

En 1890, le Père de l’ordre dominicain l’a envoyé à Jérusalem pour fonder l’Ecole Pratique d’Etudes Bibliques qui est devenue l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem en 1920. Marie-Joseph Lagrange a créé dès son arrivée en Terre sainte une revue biblique, une collection d’étude biblique, et a engagé des fouilles, avec toujours cette idée de lier étude des Ecritures et exploration du terrain.

Prendre le texte au pied de la lettre

« Cette entreprise lui a valu beaucoup de difficultés au sein de l’Eglise catholique, a expliqué à ProtestInfo le frère Hervé Ponsot. A l’époque, au Vatican, la tendance était à prendre le texte au pied de la lettre. » De plus, dans sa démarche, le Père Lagrange avait été précédé par les protestants, alors mal perçus, et auxquels il fut bientôt assimilé.

« Après 1930, les choses se sont peu à peu arrangées, continue le frère dominicain, et en 1943 une encyclique de Pie XII, Divino afflante Spiritu, a favorisé une recherche un peu critique dans le domaine de l’exégèse. » C’est dans le sillage de cette encyclique que l’Ecole biblique a publié La Bible de Jérusalem qui voulait rendre accessible au public le résultat de plusieurs décennies de lecture historico-critique des textes sacrés.

Cette traduction a connu un grand succès et a été éditée à trois reprises entre 1956 et 1998. De 1948 à 1956, l’institution fondée par le père Lagrange a également participé aux fouilles archéologiques sur le site de Qumrân. LIENS: