Le retour du religieux ? Le politologue Olivier Roy préfère parler d’émergence des fondamentalismes
20 novembre 2008
Pour le politologue Olivier Roy, le retour du religieux n’est qu’une illusion d’optique
Si la religion est aujourd’hui plus visible, la pratique religieuse, elle, est en recul constant en Europe. Ce sont les formes dites fondamentalistes ou charismatiques des religions qui connaissent un développement spectaculaire parmi les protestants charismatiques et les musulmans. Le fondamentalisme est en effet la forme du religieux la mieux adaptée à la mondialisation.« Il faudrait parler de mutation plutôt que de retour du religieux », estime le politologue français Olivier Roy. « On assiste en réalité à une reformulation des grandes religions selon des formes de religiosité modernes où l’individualisme et le souci de la réalisation personnelle l’emportent sur la fidélité à des cultures et des identités collectives séculaires », précise-t-il d’emblée dans son dernier ouvrage « La sainte ignorance ». Il analyse le phénomène de ces religions hors sol, qui se passent de toute culture et de tout enracinement historique et géographique et ne s’incarnent dans aucune culture. Il constate que les nouvelles formules de religiosité ne sont plus l’expression de cultures traditionnelles, mais au contraire des produits d’une sérieuse déculturation.
Olivier Roy attribue cette montée de ce qu’il appelle la sainte ignorance à la sécularisation et la mondialisation, qui ont obligé les religions à se détacher de la culture, à se penser comme autonomes et à se reconstruire dans un espace qui n’est plus territorial, et qui n’est donc plus soumis au politique. La globalisation a favorisé les religions pour l’exportation, qui se détachent explicitement de toute culture et ne revendiquent aucun enracinement territorial ou historique. La vigueur des Églises du Sud en témoigne, qui se sont développées en rupture avec l’Église missionnaire, et qui bénéficient aussi d’une réelle vitalité démographique.
Le religieux se retourne souvent contre la culture ambiante, perçue non plus comme profane, mais comme païenne, contre laquelle s’élèvent avec véhémence aussi bien des prédicateurs pentecôtistes que des talibans wahhabites. Ce refus de la culture profane se transforme en méfiance envers le savoir religieux lui-même. Le pentecôtisme, qui fait une lecture littérale des Écritures, veut ignorer tout le contexte culturel et historique auquel elles renvoient. Les fondamentalistes en général opposent leur foi à la culture et à ce qu’ils considèrent comme le néo-paganisme ambiant.
On incrimine souvent un déclin du christianisme qui serait parallèle à une expansion de l’islam. Faux, répond Olivier Roy : dans le monde entier, c’est le pentecôtisme chrétien qui se développe le plus, avec le mormonisme. Le pentecôtisme a poussé jusqu’au bout la logique de la déculturation avec la glossolalie, ce parler en langues, qui est en fait une succession de sons incompréhensibles, censés être l’expression de l’Esprit Saint, et qui se passe de la médiation de mots. La foi est complètement sortie de tout contexte au profit d’une illumination.
Le marché du religieux n’est pas porteur pour les Églises historiques. Il est très volatil, disparate, contrasté, indéfinissable. Bien sûr, il y a des « niches » qui marchent bien, comme celle de Taizé, ce qui ne contribue toutefois pas à multiplier les vocations ni à assurer la relève dans les Églises chrétiennes. Les produits spirituels paroissiaux qu’elles proposent paraissent, soit inadaptés, soit bien inintéressants et obsolètes à bon nombre de contemporains qui grappillent à gauche et à droite des éléments pour se bricoler une spiritualité, pour « customiser » la religion. Olivier Roy, La sainte ignorance, le temps de la religion sans culture, 275 pages, octobre 2008, Editions du Seuil.
Olivier Roy attribue cette montée de ce qu’il appelle la sainte ignorance à la sécularisation et la mondialisation, qui ont obligé les religions à se détacher de la culture, à se penser comme autonomes et à se reconstruire dans un espace qui n’est plus territorial, et qui n’est donc plus soumis au politique. La globalisation a favorisé les religions pour l’exportation, qui se détachent explicitement de toute culture et ne revendiquent aucun enracinement territorial ou historique. La vigueur des Églises du Sud en témoigne, qui se sont développées en rupture avec l’Église missionnaire, et qui bénéficient aussi d’une réelle vitalité démographique.
Le religieux se retourne souvent contre la culture ambiante, perçue non plus comme profane, mais comme païenne, contre laquelle s’élèvent avec véhémence aussi bien des prédicateurs pentecôtistes que des talibans wahhabites. Ce refus de la culture profane se transforme en méfiance envers le savoir religieux lui-même. Le pentecôtisme, qui fait une lecture littérale des Écritures, veut ignorer tout le contexte culturel et historique auquel elles renvoient. Les fondamentalistes en général opposent leur foi à la culture et à ce qu’ils considèrent comme le néo-paganisme ambiant.
On incrimine souvent un déclin du christianisme qui serait parallèle à une expansion de l’islam. Faux, répond Olivier Roy : dans le monde entier, c’est le pentecôtisme chrétien qui se développe le plus, avec le mormonisme. Le pentecôtisme a poussé jusqu’au bout la logique de la déculturation avec la glossolalie, ce parler en langues, qui est en fait une succession de sons incompréhensibles, censés être l’expression de l’Esprit Saint, et qui se passe de la médiation de mots. La foi est complètement sortie de tout contexte au profit d’une illumination.
Le marché du religieux n’est pas porteur pour les Églises historiques. Il est très volatil, disparate, contrasté, indéfinissable. Bien sûr, il y a des « niches » qui marchent bien, comme celle de Taizé, ce qui ne contribue toutefois pas à multiplier les vocations ni à assurer la relève dans les Églises chrétiennes. Les produits spirituels paroissiaux qu’elles proposent paraissent, soit inadaptés, soit bien inintéressants et obsolètes à bon nombre de contemporains qui grappillent à gauche et à droite des éléments pour se bricoler une spiritualité, pour « customiser » la religion. Olivier Roy, La sainte ignorance, le temps de la religion sans culture, 275 pages, octobre 2008, Editions du Seuil.