La quête du Jésus de l’histoire racontée par Daniel Marguerat

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La quête du Jésus de l’histoire racontée par Daniel Marguerat

26 juin 2008
Alors qu'on dit le christianisme en perte de vitesse, l’énigme Jésus passionne
Toute nouvelle découverte, toute hypothèse, même farfelue, des chercheurs, archéologues, sociologues des religions, historiens ou exégètes, sont immédiatement exploitées par les médias pour modifier l’image du Jésus de la piété populaire. Pour le professeur Daniel Marguerat, qui vient de publier l’ensemble de ses derniers écrits sous le titre « L’aube du christianisme », la quête du Jésus de l’histoire est « l’antidote le plus puissant à la compréhension mythique de Jésus Christ ». Pour le professeur de théologie lausannois qui vient de prendre sa retraite, cette quête historique, basée sur des données vérifiées, soustrait Jésus à l’imaginaire des croyants, mais aussi à toute interprétation dogmatique et toute tentative d’appropriation, en rappelant sa totale humanité et son irréductible incarnation. « On a eu trop tendance à vider la personne de Jésus de son humanité pour ne retenir que sa divinité », constate Daniel Marguerat dans son ouvrage. Et de souligner : « Si Jésus est vrai homme, en quoi se soustrairait-il une investigation conduite selon les règles de l’historiographie ? » Mais il est aussi Dieu, rétorquera-t-on, en se fiant à la lecture des Evangiles. « Oui, mais la divinité est affaire de foi et non constat d’historien, réplique Daniel Marguerat, qui estime que l’historien ne sape pas la foi, mais en trace les contours. « Les historiens ne sont pas irrévérencieux lorsqu’ils avouent que l’absolu devant lequel ils butent dans leurs travaux n’est pas la personne de Jésus comme telle, mais ce vers quoi tendent sa parole et son agir : le Royaume ».

Un chapitre inédit de l’ouvrage, « Jésus connu et inconnu », résume les trois quêtes successives du Jésus de l’histoire, qui visent à reconstituer la vie du Nazaréen à l’aide de données historiques neutres, c’est-à-dire non influencées par la subjectivité des témoins de l’époque. La première quête commença au 18e siècle. L’Allemand Hermann Samuel Reimarus, pionnier de la recherche du Jésus historique, déclencha un tollé : il soutenait que l’enseignement du Christ avait été falsifié par ses disciples, qui voulaient voir en Jésus un Messie politique.

Entre 1950 et 1980, une deuxième quête, initiée par le théologien allemand Ernst Käsermann, clarifie le statut des textes évangéliques : les chercheurs reconnaissent qu’ils sont le fruit d’une recomposition littéraire et théologique émanant des premiers chrétiens. Sont réputés comme authentiques les faits et gestes de Jésus, attestés par au moins deux sources littéraires indépendantes l’une de l’autre.

Dès 1980 démarre une nouvelle vague de recherches qui souligne la judaïcité de Jésus. Les biblistes reconsidèrent en effet l’image du judaïsme ancien, rappellent la multiplicité des tendances qui le traversent, (Sadducéens, Pharisiens, zélotes, esséniens etc.). Ils se mettent à interpréter les conflits, indéniables, de Jésus avec ses contemporains, comme des conflits à l’intérieur du judaïsme et non pas contre lui. Le Nazaréen espérait réformer la foi d’Israël, il a échoué. En aucun cas, il ne pensait créer un nouveau mouvement religieux autonome.

L’ouvrage de Daniel Marguerat propose une approche claire et passionnante des origines du christianisme et présente les étapes majeures qui ont conduit à ce qu’il devienne une religion autonome, à travers les écrits de Paul, des premiers évangélistes, Marc et Matthieu, et enfin Luc, le premier historien de ce christianisme à peine sorti des limbes. Daniel Marguerat, l’aube du christianisme, 498 pages, mai 2008, éditions Labor et Fides Bayard.