Les clins d’œil bibliques de la pub

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les clins d’œil bibliques de la pub

20 mars 2008
Le Déluge, l’Arche de Noé, les Dix Commandements, la sortie d’Egypte, la naissance et la mort du Christ : seuls les récits les plus connus sont utilisés par les publicitaires
Une exposition au Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne, un livre, « Dieu, otage de la pub ? » et une conférence s’interrogent sur la signification de ces allusions. Des gestes de prière, une multitude d’anges accompagnés de démons, Adam et Eve au paradis, Moïse recevant les Tables de la loi, le Déluge, la naissance du Christ et sa mort : les 197 publicités illustrant l’ouvrage « Dieu, otage de la pub ? » et servant de base à l’exposition au Forum de l’Hôtel de Ville de Lausanne (du 1er au 12 avril 2008) montrent que religion et consommation font bon ménage. Dans le même temps, « le degré de connaissances bibliques de la population s’est considérablement réduit. La publicité encourage cette méconnaissance, car elle se limite à citer les récits les plus connus, représentés de manière caricaturale et standardisée », remarque Gilles Lugrin, spécialiste de la publicité, qui a réalisé le livre et l’exposition avec le pasteur vaudois Serge Molla. Linguiste et spécialiste des théories de la communication, qu’il enseigne à l’Université de Lausanne, Gilles Lugrin a utilisé ces outils pour proposer des clefs de lecture de ces allusions religieuses. L’exposition est organisée par l’Eglise Evangélique Réformée du canton de Vaud (EERV) et l’Université de Lausanne. Elle sera suivie d’une conférence sur le même thème, le 21 avril à partir de 19h30, au Centre culturel des Terreaux.

Parmi les six thèmes traités, « Lieux et figures du Bien et du Mal » illustre la multiplication des figures d’anges et de diables dans les annonces publicitaires. « L’ange apparaît très peu dans la Bible. Dans la publicité, il n’est plus le messager qui annonce à Marie la venue du Christ, mais une figure composite, à la fois incarnation du Bien, ange protecteur ou Cupidon. C’est souvent un être sexué, humanisé, mi-ange, mi-démon. L’ange perd son aura, il sert simplement à valoriser le produit à vendre. La figure du diable est plus intéressante, parce qu’elle prône des valeurs plus diverses et plutôt positives. Il incarne à la fois la tentation et une forme d’égoïsme, poussant l’individu à s’affranchir des règles religieuses et sociales. Globalement, il offre une image presque sympathique d’un personnage qu’il fait bon fréquenter. Ce nivellement et cette inversion de valeurs participent d’une forme de relativisme contemporain, selon lequel toutes les opinions se valent », commente Gilles Lugrin. La figure d’Eve atteste de connaissances bibliques très précaires : « dans la publicité Aperto (Où Eve trouve ses pommes le dimanche), un vague récit d’une femme prénommée Eve reste en mémoire, mais sans véritable signification spirituelle ».

L’allusion aux textes bibliques est souvent tronquée, comme dans ces publicités pour des pneus ou des voitures dans lesquelles embarquent les animaux de l’Arche de Noé en quête de sécurité, oubliant que Dieu s’est engagé à ne plus provoquer de Déluge (Genèse, 9, 11). Souvent, « le détour par ces images d’Epinal s’opère sans que rien ne suscite un questionnement fécond. La récupération du religieux par la publicité a un impact quasi nul sur un éventuel enrichissement de la spiritualité des croyants », relèvent les auteurs à propos de treize personnages attablés pour vanter les mérites d’un casino, ou d’une descente de la croix vantant un parfum. Rares sont celles qui, à l’image de l’affiche de Benetton faisant d’un malade du sida une figure christique à une époque où la maladie était largement stigmatisée, suscitent une réflexion plus large.

Alors que les allusions à l’islam et au judaïsme sont discrètes, le bouddhisme est massivement présent. L’exposition s’intéresse aussi à la manière dont l’Eglise assure sa propre publicité, préférant souvent le verbe à l’image. Bien menée, elle peut être efficace, comme l’a révélé l’Eglise catholique de Genève, qui a passé en trois ans de 4,2 à 6,7 millions de dons.