Faire travailler son argent de manière responsable : un guide pour investisseurs créatifs, adeptes de la Bourse ou idéalistes prêts à ne rien gagner
Au moment où l’UBS reconnaît une perte nette de 4,4 milliards de francs en raison de son exposition à la crise du crédit immobilier aux Etats-Unis, la Déclaration de Berne estime qu’il est temps de revoir notre manière de placer nos économies. Andreas Missbach, auteur du guide « L’argent responsable. Comment investir de manière éthique, écologique et sociale », dont la version française sort fin février en collaboration avec la Fédération romande des consommateurs, ne livre toutefois pas de recettes toutes prêtes. « L’avantage de notre guide, c’est de livrer des informations indépendantes de tout intérêt commercial », explique l’auteur. La fondation Ethos donne certes des conseils en matière d’investissements socialement responsables, mais elle propose un fonds de placement en collaboration avec la banque Pictet. Autre particularité : l’ouvrage se refuse à dresser un classement des meilleurs placements éthiques, car « tous les investissements sont le résultat de compromis plus ou moins importants. C’est à chacun de prendre ses responsabilités et de s’interroger sur la retenue que l’on peut avoir à l’égard de placements boursiers, la tolérance que l’on admet vis-à-vis d’une grande banque qui offre un fonds durable, mais investit par ailleurs dans l’énergie fossile, ou le capital de départ de la banque alternative, qui, pour 37%, provenait de placements conventionnels ».
Le guide passe en revue les produits « durables », « écologiques » ou « éthiques » existants sur le marché suisse, et propose des solutions aux consommateurs, classés selon quatre profils d’investisseurs bien distincts. « Pour qui veut connaître exactement la destination de son argent et soutenir des structures indépendantes des grands groupes industriels, la Banque alternative propose des obligations de caisse à intérêt réduit (moins de 1%), qui lui permettent de financer des projets en matière d’énergie alternative, d’agriculture biologique, de soutien aux femmes ou d’entreprises écologiques et sociales », indique Andreas Missbach. Autre solution, « si l’on a des affinités avec la pensée de Rudolf Steiner, la Freie Gemeinschaftsbank permet de financer des crédits pour des projets anthroposophes médicaux, scolaires ou agricoles », les intérêts s’élevant en moyenne en 2006 à 0,85%. La banque cantonale de Zurich propose un compte épargne permettant, en offrant un intérêt réduit à 0,375, de soutenir des projets favorables à l’environnement. En majorité, il s’agit de maisons peu gourmandes en énergie (standard Minergie), d’installations photovoltaïques individuelles ou de biogaz. » Pour l’investisseur créatif soutenant les nouvelles énergies et acceptant un certain risque, acheter des parts de la société ADEV (énergie solaire, hydraulique et éoliennes) et prêter contre intérêt (de 0 pour les idéalistes à 2,25% maximum pour trois ans) peut être une option. Autre possibilité : souscrire des obligations auprès d’Edisun, le plus important fournisseur solaire de Suisse, ou des parts auprès de la communauté Solarspar (elles ne devraient être rétribuées qu’en 2010, lorsque les pertes des bilans précédents seront couvertes).
Par principe, Andreas Missbach estime que les marchés financiers globalisés ne constituent pas en soi une solution durable. Orientés sur les gains à court terme et suivant une logique de profit maximal pour l’actionnaire, ils sont à ses yeux en contradiction flagrante avec les nouveaux produits ménageant l’énergie, nécessitant d’importants investissements en matière de recherche et de développement. Une économie durable doit fonctionner en limitant l’utilisation d’énergie et de matières premières et en produisant beaucoup moins de déchets et de pollution. « On peut douter qu’elle réponde alors aux hautes exigences de rendement des marchés financiers actuels », estime-t-il. Les fonds de placement durables, principalement effectués en actions, séduisent de plus en plus d’investisseurs. L’auteur signale toutefois une « contradiction fondamentale : parmi les actions les plus souvent présentes dans ces fonds figurent des titres des groupes pétroliers Total et BP ou le géant pharmaceutique Novartis, multinationales critiquées sur le plan écologique ou social. Même en choisissant un fonds thématique (protection de l’eau, énergies alternatives), les surprises ne sont pas exclues : on a retrouvé l’entreprise bâloise Syngenta, productrice du pesticide critiqué Paraquat, dans le fonds d’un fournisseur étranger vendu en Suisse comme « certificat d’énergies alternatives ». En outre, l’achat d’actions profite au vendeur, et non directement à la société. Ce dernier peut très bien investir l’argent reçu dans l’industrie de l’armement, relève Andreas Missbach.
Pour ceux qui sont prêts à accepter un rendement minime en offrant des crédits aux personnes démunies d’Afrique ou d’Asie, la possibilité d’adhérer à une coopérative de crédit, comme la Société coopérative œcuménique de développement Oikocredit, initiée par les Eglises, peut être une solution. Il est aussi possible de renoncer à tout rendement afin d’encourager des crédits d’investissements dans les pays du Sud, en investissant dans le fonds de garantie initié par la fondation genevoise Rafad. « Une solution pour les idéalistes. Mais faut-il toujours qu’une fortune augmente ? Cela vaut la peine d’y penser », conclut l’auteur du guide.